Du poulet chloré dans les assiettes british ? A cette question, sérieuse, le gouvernement britannique apporte des réponses variées, voire contradictoires. En jeu ? L'espoir d'un futur accord de libre-échange avec les Etats-Unis, dans un avenir post-Brexit. Mardi la visite à Washington de Liam Fox, ministre britannique du Commerce international, avait brillamment commencé avec un tweet retentissant, encore un, du président américain Donald Trump : «Nous travaillons sur un accord de libre-échange majeur avec le Royaume-Uni. Il pourrait être énorme et excitant. JOBS ! L'UE est très protectionniste vis-à-vis des Etats-Unis. STOP !»
Ces exclamations enflammées ont dû réchauffer le cœur de Liam Fox qui, bien entendu, n'est officiellement qu'en visite «exploratoire» aux Etats-Unis. Le Royaume-Uni n'est pas supposé négocier des accords de libre-échange tant qu'il reste membre de l'UE. Mais rien ne l'empêche de discuter.
Seulement voilà, au lieu de vanter comme espéré les merveilleuses relations et fantastiques perspectives économiques à venir avec le grand frère américain, le ministre a été pris à partie par les médias britanniques. Ces derniers ont exigé d’en savoir plus sur les gallinacés qui seront dégustées au Royaume-Uni après le Brexit. Seront-ils rincés au chlore ou pas ?
Noyer le poulet
Le traitement de ces volatiles est en effet très différent des deux côtés de l’Atlantique. Pour prévenir tout risque d’infection bactérienne, les Américains rincent les carcasses des poulets dans une solution chlorée. Cette pratique est interdite dans l’Union européenne, qui a préféré mettre en place des contrôles plus drastiques tout au long de la vie de l’animal, chez les éleveurs, dans les abattoirs et usines d’emballage. Le poulet chloré fait craindre un relâchement des normes d’hygiène sur toute la chaîne de production.
Ces oiseaux, comme le bœuf aux hormones ou les céréales OGM, ont déjà posé des problèmes lors des négociations pour le Tafta, l'accord de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis, actuellement suspendu. Qu'en serait-il dans le cadre d'un accord post-Brexit entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ? Interrogé, Liam Fox a donc tenté de noyer le poulet, précisant qu'il ne s'agissait que d'un détail qui ne serait abordé qu'en toute fin de négociations et accusant les médias d'être «obsédés» par la question.
Principe de précaution
Il a aussi ajouté que les Américains «mangent du poulet rincé au chlore depuis des années sans incidence négative sur leur santé». Ce qui, à strictement parler, est vrai. L'Union européenne elle-même reconnaît qu'il n'existe pas, a priori, de danger pour la santé de l'être humain. Mais toute la différence est là, dans le «a priori». Aux Etats-Unis, on n'interdit pas, jusqu'à ce que la preuve d'un danger apparaisse. Dans l'Union européenne, on utilise le principe de précaution.
Bref, Liam Fox n’a pas exclu catégoriquement l’introduction future de poulets chlorés, voire de bœuf aux hormones ou d’OGM, sur le sol britannique. Ce qui, évidemment, ne ravit pas les producteurs de poulets du Royaume-Uni, qui y voient une concurrence déloyale. Avec la méthode américaine, les frais de productions sont bien moindres.
«Pas question de baisser nos standards d’hygiène»
Un rapport parlementaire de la Chambre des Lords, publié mardi, a ainsi mis en garde contre une diminution des standards du traitement des animaux de ferme. «La plus grande menace pour les standards post-Brexit du traitement des animaux de ferme, pour les agriculteurs britanniques, serait générée par la concurrence de nourriture importée de pays où elle est produite avec des standards moins élevés qu'au Royaume-Uni. A moins que les consommateurs soient d'accord pour payer plus cher, les Britanniques deviendraient moins compétitifs et les standards au Royaume-Uni seraient menacés.»
Mercredi, le ministre en charge de l'Environnement, Michael Gove, a contredit son collègue en affirmant que personne ne comptait autoriser les poulets chlorés dans un futur accord de libre-échange : «Il n'est pas question de baisser nos standards d'hygiène […] alimentaires ou environnementaux très élevés dans le but d'obtenir à tout prix un accord de libre-échange.» Alors, poulet rincé ou pas ? Une fois de plus, sur un sujet crucial lié à son avenir post-Brexit, le gouvernement britannique fait preuve d'un manque de clarté confondant.