Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Vingt-troisième épisode : juillet 2017. Si vous avez manqué l'épisode précédent, il est ici (et tous les autres sont là).
Note : la polémique autour de l'annonce des coupes dans le budget consacré aux droits des femmes ayant été largement chroniquée dans les pages de Libé, nous n'en parlerons pas dans les lignes qui vont suivre. Vous pouvez lire les articles sur ce sujet ici, là ou encore là.
Santé
Choc toxique : la coupe menstruelle mise en cause (à tort)
«Choc toxique : les coupes menstruelles plus dangereuses que les tampons.» Vous avez peut-être vu passer au début du mois de juillet ce titre alarmiste sur la supposée dangerosité de cette protection périodique, présentée pourtant comme une alternative aux tampons. Une intox due à une «mauvaise communication» des Hospices civils de Lyon, explique l'Obs. En cause, un communiqué de presse pour le moins déroutant présentant les résultats d'une étude expérimentale menée pour comprendre la recrudescence du nombre de cas de «syndrome du choc toxique» (SCT). Cette étude, qui vise à tester les dispositifs intravaginaux courants, n'a rien à voir avec la collecte de tampons usagés (dont on vous parlait ici) réalisée par la même équipe et dont les résultats n'ont pas encore été publiés, souligne l'auteure de l'ouvrage Ceci est mon sang, Elise Thiébaut.
«Aucune protection testée ne favorise la croissance et la production de la toxine» responsable du SCT, peut-on lire dans le communiqué, qui affirme cependant que «les coupes menstruelles, en ayant un diamètre plus important que les tampons, permettent une arrivée d'air et donc d'oxygène plus importante et favorisent plus la croissance du staphylocoque et la production de la toxine». Vous avez dit contradictoire ? La mauvaise performance des cups, pointe Elise Thiébaut, doit être prise avec prudence vu les conditions dans lesquelles les tests ont été réalisés (les chercheurs ont tenté de reconstituer dans un sac en plastique l'environnement biologique du vagin). Il existe forcément un risque, «difficilement quantifiable en l'état des connaissances actuelles, mais qui me semble suffisamment faible face aux bénéfices que m'apporte ce moyen de protection», défend pour sa part la blogueuse Clue (dont on vous recommande la newsletter). Les coupes «doivent être portées avec les mêmes précautions qu'un tampon», pas plus de six heures sans la vider, a précisé le CHU dans une mise au point. Quant au rôle des résidus toxiques présents dans les tampons, les chercheurs avouent pour le moment leur incompétence. Les industriels, eux, continuent de ne pas publier leur composition, malgré une pétition ayant recueilli plus de 260 000 signatures.
En juillet, on a aussi parlé du conflit entre Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, et les gynécologues sur le taux d'épisiotomies, lu un rapport alarmant sur l'accès aux soins des femmes en situation de précarité, relayé la dépénalisation partielle de l'avortement au Chili, rappelé comment l'IVG avait été légalisée en France et publié un texte sur les femmes autistes sous-diagnostiquées.
Genres, sexualités et corps
Chronique de la grossophobie ordinaire en avion
Fin juin, alors qu'elle prend l'avion pour Los Angeles, Natalie Hage réalise que son voisin, visiblement exaspéré, envoie des textos à son sujet. Le contenu met la jeune femme dans un état de «colère et de profonde tristesse» (et ça nous aurait fait le même effet). L'homme y commente le poids de la mannequin grande taille de manière insultante, des textos «vraiment horribles», selon elle. La passagère, qui a payé un supplément pour avoir plus de place, prend discrètement des photos de la scène. Elle décide alors de le confronter à ses propres faits en filmant sa réaction, comme le relate le Huffington Post à partir d'un post Instagram que la jeune femme, qui compte plus de 137 000 abonnés sur le réseau social, a depuis effacé. L'homme nie, avant de finalement reconnaître les faits et de (brièvement) s'excuser. «Vous ne savez rien de moi. Mon corps, ce n'est pas votre affaire», défend Natalie Hage avant de l'enjoindre à «ne plus jamais traiter quelqu'un comme ça». «Voici la réalité de la vie quotidienne d'une personne grosse, et pas seulement en avion, écrit-elle dans sa publication. Nous pouvons être complètement à notre place, sans déranger personne, et les gens vont quand même nous faire chier et essayer de nous faire du mal.» Une discrimination (dont on vous parlait ici) dont les femmes sont particulièrement victimes.
En juillet, on a aussi salué la mobilisation de parlementaires américaines pour faire valoir leur «droit aux bras nus» au Congrès, relayé l'arrestation puis la libération d'une jeune Saoudienne mise en cause pour avoir porté une minijupe, décrypté le nouveau code vestimentaire des golfeuses pro poussées à se rhabiller et publié une ode au boule sous toutes ses formes.
Sexisme «ordinaire»
«Beurette», anatomie d'un stéréotype sexiste et raciste
Le mot est devenu une insulte courante et alimente le slut-shaming ordinaire. Cheek Magazine appelle dans une enquête à en finir avec le terme «beurette», stéréotype sexiste et raciste utilisé pour qualifier les jeunes femmes d'origine maghrébine aux mœurs jugées trop légères. Les représentantes en seraient Nabilla ou Zahia, présentées comme des bimbos siliconées au QI limité. «C'est une insulte taboue pour nous, c'est très péjoratif, et les mecs rebeus le savent», témoigne ainsi Asia, 24 ans. A son apparition dans les années 80, le terme est emprunt d'un certain paternalisme républicain, la jeune femme qualifiée comme telle étant présentée comme «intégrable», rappelait déjà en 2015 la journaliste Faïza Zerouala dans une tribune, intitulée Ne m'appelez plus jamais «beurette». Le glissement sémantique du terme se fait avec le porno : les mots-clés «arabe» ou «beurette» figurent depuis quelques années parmi les requêtes les plus fréquentes des plateformes, rappelle la journaliste Samia Kidari sur Cheek, et «cristallise tous les clichés associés à une prétendue débauche nord-africaine». L'une des jeunes femmes interrogées dénonce l'«hypocrisie perverse» de ceux qui «insulte[nt] ces filles» et, en même temps, «veu[lent] les avoir dans [leur] lit». Toutes espèrent que l'usage de ce terme finira par disparaître. Reste à savoir comment cette génération de jeunes femmes, souvent ramenée à son héritage culturel et religieux, réussira à se définir au-delà des stéréotypes sexistes.
En juillet, les manifestations de sexisme «ordinaire» n'ont pas pris de vacances : dans la bouche de Donald Trump, d'abord, qui s'est fendu d'une remarque déplacée sur le physique de Brigitte Macron ; en Chine, où Audi a dû retirer une pub comparant une jeune mariée à une voiture (vous avez bien lu) ; et dans la presse locale, avec un dessin sur Rihanna bien misogyne.
Violences
Au Salvador, une ado violée condamnée à trente ans de prison
Lors d'une manifestation de soutien à Evelyn Hernandez, le 10 juillet 2017 à San Salvador (photo AFP)
Il existe des pays où des femmes peuvent finir en prison pour avoir mis au monde un enfant mort-né. C'est ce qui pourrait arriver à Evelyn Beatriz Hernández Cruz, une adolescente condamnée début juillet à 30 ans de prison après avoir perdu son bébé, décédé à la naissance. La jeune femme, âgée de 18 ans à l'époque, était tombée enceinte après avoir été victime de viols par les membres d'un gang, relate Marianne. La Salvadorienne, qui affirme après avoir fait un déni de grossesse et avoir accouché dans sa salle de bain, est accusée d'avoir délibérément refusé de voir un médecin et d'avoir jeté son bébé dans les toilettes pour s'en débarrasser. L'autopsie a pourtant montré que le bébé avait succombé à une pneumonie, souligne la défense, qui a fait appel. Le Salvador, Etat très catholique d'Amérique centrale, fait partie des cinq pays du continent américain où l'avortement est totalement interdit. Des femmes qui font des fausses couches ou accouchent d'enfants mort-nés sont régulièrement accusées d'homicide contre le fœtus. Celles qui avortent illégalement en raison de complications peuvent être condamnées à des peines allant jusqu'à quarante ans de prison. 17 femmes sont actuellement incarcérées pour le simple fait d'avoir avorté.
En juillet, on s'est aussi demandé si la Suède, pays censé être l'étendard de l'égalité des genres, souffrait d'une épidémie de violences sexuelles après l'annulation d'un festival musical en raison d'une série de plaintes pour viols. On a aussi parlé de la pratique du «viol pour viol» au Pakistan. En France, le gouvernement a finalement maintenu les postes de deux intervenants sociaux auprès de femmes victimes de violences conjugales du Loiret, des postes qui devaient être supprimés pour des raisons budgétaires.
Droits civiques, libertés
En Inde, de l'art et des scooters au service des femmes
En Inde, pas question de toucher aux vaches, sacrées. Difficile d'en dire autant pour les femmes. C'est le paradoxe que soulève l'artiste Sujatro Ghosh à travers ses ses photos. Il met en scène des femmes – souvent des amies proches – portant une tête de vache en latex. Son message : la vie de ces animaux serait-elle plus importante que celle des femmes ? Le jeune photographe, âgés d'à peine 23 ans et originaire de Calcutta, shoote dans les rues de New Delhi, ville dans laquelle, chaque jour, «les Indiennes déposent en moyenne 6 plaintes pour viol et 12 autres pour agression sexuelle», précise Courrier international citant le Guardian. Une façon d'interpeller le public vis-à-vis des maltraitances subies quotidiennement par les femmes dans la société indienne patriarcale.
Indian women wear cow masks to ask: are sacred cattle safer than us? https://t.co/BV32HgO1Ft
— Guardian news (@guardiannews) July 4, 2017
Autre initiative, du côté de Jaipur, dans le Nord-Ouest du pays. Un groupe de 52 femmes enfourchent leur scooter pour dissuader les violeurs et les agresseurs sexuels. Equipée de talkie-walkies, caméras et bâtons, la patrouille sillonne les rues de la ville depuis le mois de mai. Leurs rondes ciblent les abords des universités et des transports en commun, raconte l'Obs. Les patrouilleuses peuvent aussi intervenir : elles ont été formées aux techniques d'auto-défense et au karaté. Un dispositif de caméras de surveillance devrait prochainement les aider à repérer les agresseurs. Preuve que la cause des femmes fait son chemin, des patrouilles du même type vont être déployées dans plusieurs villes du pays, où 40 000 cas de viols sont recensés chaque année.
En juillet, on a rendu hommage à Simone Veil, et notamment interrogé son rapport au féminisme dans une interview (et, aussi, halluciné devant la récupération d'un groupe anti-IVG de la mémoire de l'ancienne ministre). On a aussi exploré le rôle du genre dans le militantisme d'extrême gauche dans un article à lire ici et parlé d'une nouvelle loi contre les violences faites aux femmes en Tunisie.
Travail
La Silicon Valley lève le voile sur le sexisme dans la «tech»
Les femmes y sont très peu nombreuses, moins payées et parfois harcelées par leurs collègues masculins. Plusieurs dirigeants de géants de la Silicon Valley ont récemment quitté leurs fonctions, confirmant les soupçons d'un harcèlement sexuel généralisé dans les entreprises californiennes. Travis Kalanick, patron de Uber âgé de 40 ans, a démissionné le 21 juin après une série de renvois et de démissions d'employés et de hauts cadres, sur fond d'accusations de sexisme et de harcèlement. Ce scandale ultramédiatisé est parti de la dénonciation d'une ex-ingénieure de l'entreprise de VTC, qui a affirmé publiquement en février sur son blog avoir été victime de harcèlement. Accusé d'avoir encouragé une culture d'entreprise sexiste, et lui-même connu pour ses blagues sur ses conquêtes féminines, Kalanick a été poussé à quitter la direction de son entreprise.
S'en sont suivies des démissions en cascade dans le milieu très masculin (et blanc) de la «tech». Fin juin, c'est Justin Caldbeck qui a quitté sa société d'investissement Binary Capital, énumère le Monde. Ce dernier a reconnu avoir multiplié les propositions déplacées lors de levées de fonds organisées par des femmes. Il a été suivi quelques jours plus tard par le fondateur d'un incubateur, Dave McClure, qui a lui-même avoué dans un texte intitulé «Je suis un pervers» avoir «fait des avances à de nombreuses femmes dans le cadre professionnel». Chez Facebook et Apple, on promet d'augmenter la proportion de femmes dans l'entreprise pour mettre fin aux dérives sexistes. De peur qu'un nouveau scandale nuise à leur image.
En juillet, on a interrogé la pertinence de la mise en place d'un «parcours diplômant» pour les jeunes parents, après l'annonce de Marlène Schiappa. On a aussi salué la mémoire de la génie iranienne des mathématiques Maryam Mirzakhani, décédée prématurément.
Famille, vie privée
Monoparentalité : les femmes plus longtemps seules que les hommes
C'est une première. La revue Economie et statistiques de l'Insee a cherché à comprendre en détail la dynamique des situations de monoparentalité. Un statut qui concerne 2 familles françaises sur 10, et où les femmes sont largement surreprésentées. Dans 85% des cas, il s'agit de mamans solo. L'étude, reprise notamment par les Echos, tente de répondre à cette question : pendant combien d'années un parent seul élève-t-il son ou ses enfant(s) mineur(s) à domicile ? «La moitié des parents de famille monoparentale sortent de cette situation au bout de trois ans», répondent les auteurs, qui s'appuient sur une enquête menée entre 2005 et 2011 auprès d'environ 15 000 personnes. Au-delà, si la mère ou le père reste célibataire, la situation a des chances de s'installer. «Soit on [en] sort rapidement […], soit on y reste longtemps», résume l'étude, qui décrit une courbe en forme de «U». A partir de la huitième année, la probabilité de sortir de la monoparentalité augmente à nouveau.
Cette enquête révèle surtout une grande différence en fonction du sexe du parent : la durée moyenne de la monoparentalité est de 6,1 ans pour les femmes, contre 4,1 ans pour les hommes. Quand on regarde du côté de la cause de cette situation pour les femmes, on s'aperçoit que celles qui ont eu un enfant en étant célibataires (16% des femmes seules avec enfant(s)) sont les plus touchées. Elles «restent nettement plus longtemps dans cette situation», soit un peu plus de 9 ans. Contre 5,4 ans pour celles qui ont vécu une séparation et 5,7 ans pour celles dont le mari est décédé. Enfin, les femmes titulaires d'un diplôme ont plus de chance de sortir de la monoparentalité que celles qui n'en ont pas.
En juillet, on a aussi publié une tribune sur la fonction paternelle et la PMA, relayé une étude de l'Insee sur les hommes qui gardent plus souvent l'appartement conjugal après une rupture et demandé à Emmanuel Macron de laisser tranquille le ventre des Africaines.
Education
Les écoles saoudiennes ouvrent les cours de sport aux filles
C'est une première pour le royaume wahhabite ultraconservateur. En Arabie Saoudite, les cours d'éducation physique vont être ouverts aux filles dans les écoles publiques. C'était déjà le cas dans certaines écoles privées mais les conservateurs étaient opposés à une généralisation de la pratique sportive féminine. Le New York Times précise que le gouvernement n'a donné aucun détail sur les activités et les types de sports qui seront proposés. Cette annonce arrive quelques semaines après une autre mesure importante : les femmes ont désormais accès aux soins médicaux et à l'éducation sans avoir à demander l'autorisation d'un homme.
Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans Libé
• L'interview a été largement partagée, mais si vous l'avez ratée, Virginie Despentes a accordé un entretien au Monde dans lequel elle parle de son parcours, de la féminité – et cite une «étude» sur les yaourts qui montre comment les stéréotypes de genre sont intériorisés dès l'enfance.
• Toujours dans le Monde, à lire, cette série de reportages terribles sur l'«apprentissage» du sexe imposé aux jeunes filles dans le sud du Malawi. Dès leurs premières règles, elles sont envoyées dans des camps «d'initiation sexuelle» où elles sont parfois violées par des hommes qui ont fait de cette pratique leur métier.
• Dans A la recherche des femmes chefs, sorti début juillet au cinéma, Vérane Frédiani part à la rencontre de femmes qui ont réussi à s'imposer dans le milieu très masculin de la gastronomie. Télérama a rencontré la documentariste.
• Eté oblige, France Culture republie un article sur l'histoire du clitoris, et sur l'omerta scientifique qui entoure cet organe. C'est à lire ici.
• Rue 89 a recueilli une série de témoignages sur l'injonction à l'épilation, qui commence dès le collège. Une jeune femme y raconte par exemple avoir été interdit de courir en short au cross par sa mère parce qu'elle n'étais pas épilée. Le reste est à l'avenant (et assez effarant).
• Pourquoi les femmes devraient-elles plus sourire que les hommes ? France Info démonte dans une petite vidéo micro-trottoir cette (énième) injonction faites aux femmes.
• Enfin, on finit avec une recommandation radiophonique : France Inter diffuse tous les samedis de l'été l'émission Les Savantes. «Que peuvent les femmes pour la science ?» demande chaque semaine Lauren Bastide à une femme scientifique (l'historienne Mathilde Larrère, la neurobiologiste Catherine Vidal, la sociologue Nassira Hedjerassi…) Les épisodes sont aussi disponibles en replay.