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Libération
Lentement mais sûrement

Brexit : Londres cherche à gagner du temps

Le Royaume-Uni veut tenter de négocier avec l'Union européenne un accord douanier temporaire, en prévision de sa sortie du bloc. Mais pour Bruxelles, cette option n'est pas vraiment à l'ordre du jour.
Commission européenne, à Bruxelles, le 19 juin. (Photo John Thys. AFP)
publié le 15 août 2017 à 19h13

Le gouvernement britannique veut le beurre et l’argent du beurre. Ou plutôt, sortir de l’union douanière sans en perdre tous ses avantages. Mardi, le ministère chargé des négociations sur le Brexit a publié un document censé clarifier sa position. Mais il a été froidement accueilli à Bruxelles, et pour cause. Il propose de mettre en place un accord temporaire qui lui permettrait de continuer à commercer avec les 27 tout en négociant des accords commerciaux avec d’autres pays.

Immédiatement, la Commission européenne a précisé qu'elle n'aborderait pas cette question avant d'avoir réglé les priorités. «Plus vite le Royaume-Uni et l'UE à 27 s'accorderont sur les citoyens, le solde des comptes et l'Irlande, plus vite nous pouvons discuter douanes et relation future», a rappelé sur Twitter le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier. Plus direct, Guy Verhofstadt, l'un des négociateurs de l'UE, a résumé à sa manière la position européenne : «Etre à l'intérieur et à l'extérieur de l'union douanière et de "frontières invisibles" est une fantaisie.»

Limiter la casse

Certes, le Royaume-Uni n'a pas changé d'avis : il veut quitter ce système qui supprime les droits de douane sur les marchandises des pays membres et fixe un tarif douanier commun pour les produits importés des pays tiers. Ce week-end, le ministre de l'Economie Philip Hammond, grande figure du «soft Brexit», et le ministre du Commerce extérieur Liam Fox, défenseur du «hard Brexit», ont accordé leurs violons et ont répété dans le Sunday Telegraph que le Royaume-Uni quitterait bien l'union douanière et le marché commun en mars 2019. Toutefois, ils ont précisé qu'une période de transition serait nécessaire.

Selon le document, le gouvernement espère mettre en place une «union douanière temporaire» après son départ officiel, afin de limiter la casse. «Les approches que nous présentons bénéficieront à l'UE et au Royaume-Uni, et éviteront aux entreprises et aux individus des deux côtés de se retrouver au bord de la falaise», a expliqué David Davis, le ministre du Brexit, sur BBC Radio 4. Sur Sky News, il a estimé que cette période de transition durerait probablement deux ans et se terminerait avant les prochaines élections, prévues en 2022. Le Royaume-Uni souhaite également profiter de cette période pour négocier des accords commerciaux avec d'autres pays – ce qui est interdit aux membres de l'union douanière.

Propositions «fantasques»

«Il ne serait pas impossible de négocier des accords commerciaux car nous serions hors de l'union douanière. Le nouvel arrangement serait juste un reflet de l'union existante, analyse Simon Lightfoot, professeur au département des Politiques européennes de l'université de Leeds. Ça se complique sur le plan politique : il est probable que des voix s'élèvent pour que les mêmes règles s'appliquent.» Une fois la période de transition expirée, le Royaume-Uni voudrait mettre en place une «frontière extrêmement simplifiée» pour éviter les blocages aux aéroports et aux ports, ou créer un nouveau «partenariat», une «approche innovante et jamais testée» qui, en fin de compte, ressemblerait à l'union douanière de l'UE. «Le gouvernement veut surtout montrer qu'il va de l'avant et rassurer les entreprises», souligne Simon Lightfoot.

L'opposition n'y croit pas un instant. Keir Starmer, le ministre du Brexit du cabinet fantôme, juge ces propositions «fantasques». Si des organisations patronales comme la Confederation of British Industry (CBI) se disent effectivement rassurées, la livre a chuté de 0,13 % pour atteindre son plus bas niveau depuis octobre 2016. Le gouvernement britannique doit publier d'autres textes cette semaine, en amont du nouveau cycle de discussions qui commencera le 28 août. Mais son désir de clarification n'a pas franchement eu l'effet escompté.