Le petit pays d’Afrique australe n’en avait pas besoin. Soixante-huit employés du ministère de l’Agriculture, accusés d’avoir organisé (entre 2012 et 2014) un système d’emplois fictifs et de paiement de salaires bien au-dessus de la moyenne des 100 dollars par mois (plus de 85 euros) normalement alloués aux fonctionnaires, ont été licenciés jeudi 10 août. Selon les enquêteurs, l’essentiel de l’argent a été détourné par les comptables du ministère.
Le Malawi, classé 120 sur 176 au classement Transparency International, est déjà tristement célèbre pour des cas de grande corruption. Mais il en va cette fois de la réputation de Peter Mutharika, qui s'était engagé à lutter contre la corruption à son élection en 2014 face à la présidente sortante Joyce Banda, alors éclaboussée par le «Cashgate».
Le plus gros scandale de l’histoire du pays
L’affaire éclate en septembre 2013 lorsqu’un haut-fonctionnaire du ministère des Finances reçoit trois balles dans la tête devant sa résidence du riche quartier Area 43, à Lilongwe, la capitale. Il s’en sort miraculeusement. Cette tentative d’assassinat a eu lieu moins d’une semaine après la découverte de plus de 185 000 euros cachés dans le coffre d’un jeune fonctionnaire du ministère de l’Environnement. Les deux événements ont permis de mettre au jour un vaste système de corruption au sein de la présidence de Joyce Banda.
L’arnaque consistait à exécuter des versements frauduleux à des services fantômes, grâce au système de paiement de l’Etat, et à régler des pensions à des retraités fictifs du gouvernement. Les fonctionnaires corrompus empochaient l’argent qu’ils utilisaient ensuite pour acheter de belles voitures et des hôtels particuliers. Plusieurs liasses de dollars américains et de kwachas malawiens sont retrouvées dans des coffres de voitures, des sacs à main et autres taies d’oreiller. Voilà pourquoi la presse locale donne à l’affaire le nom de «Cashgate». Ce qui n’aurait pu être qu’un «simple» scandale financier, comme il en existe beaucoup sur le continent africain et ailleurs dans le monde, a un impact important.
Dépendance internationale
Le scandale s’est terminé par la condamnation de quatre personnes à des peines de prison et surtout par la suspension de l’aide étrangère attribuée au pays. Celles-ci s’élevaient à 150 millions de dollars. Cet arrêt a eu des conséquences désastreuses pour le Malawi, dont le budget dépend à 40% du soutien étranger.
La Banque mondiale est alors dans l'embarras. En 2005, elle avait imposé au Malawi une nouvelle méthode électronique de comptabilité intitulée : le système d'information intégré relatif à la gestion financière (IFMIS). Ce dispositif devait sécuriser les finances du pays. Au lieu de ça, l'argent a été détourné, provoquant l'ire des bailleurs du Malawi. Les principaux d'entre eux, dont la Grande-Bretagne et l'Union européenne, ont suspendu 118 millions de dollars de leurs aides, le temps du procès.
Après avoir figuré pendant un peu plus de trois ans dans la blacklist de la Banque mondiale, cette dernière a décidé de réhabiliter son aide budgétaire au Malawi, contraint depuis à une forte politique d'austérité.