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Analyse

Aquaculture : nourrir la planète, mais à quel prix ?

publié le 18 août 2017 à 20h26

Environ 13 millions de kilomètres carrés d'océan pourraient être utilisés pour l'aquaculture, selon les conclusions d'une étude américaine publiée lundi dans Nature Ecology & Evolution par une équipe de biologistes marins. Ils se sont penchés sur les caractéristiques environnementales des océans, se sont basés sur 120 espèces de poissons et 60 de coquillages et ont regardé où le taux de croissance de ces espèces était le meilleur. Résultat, presque tous les pays ayant un accès à l'océan ont un potentiel pour l'aquaculture et seraient capables de répondre à leurs propres besoins en poissons et crustacés.

Avec une population mondiale en pleine croissance, la problématique de l’alimentation est primordiale. Si toutes ces zones étaient exploitées, cela permettrait de produire 15 milliards de tonnes de poisson, soit 100 fois la consommation mondiale actuelle. Il suffirait d’utiliser les zones les plus fertiles pour produire la quantité de poissons et crustacées consommée dans le monde à ce jour, soit moins de 0,015 % de la surface totale des océans.

Mais l'aquaculture pose des problèmes d'environnement. Déjà, ce n'est pas forcément l'alternative que l'on imagine à la surpêche. Car s'il existe des espèces herbivores, la plupart des élevages sont de carnivores, comme le saumon. Pour les nourrir, il faut pêcher des poissons sauvages, ensuite broyés pour faire des farines animales. «Aujourd'hui, environ 20 % des captures mondiales sont destinées à l'aquaculture», explique Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l'association de protection des océans Bloom.

Autre problème : «L'aquaculture actuelle est industrielle, et elle pollue, explique François Chartier, chargé de la question des océans chez Greenpeace. Ils utilisent des pesticides, des antibiotiques, rejettent des déjections et utilisent tout l'oxygène des espaces utilisés. Ce sont exactement les mêmes problèmes que l'agriculture intensive.» De plus, «les zones identifiées par cette étude sont côtières. Or ce sont déjà les zones les plus polluées par l'homme, Cela risque d'ajouter encore au problème», s'inquiète Frédéric Le Manach.

Les législations des différents pays, plus ou moins protectrices de l'environnement doivent aussi être prises en compte. Et l'aquaculture ne représente pas nécessairement un tremplin économique. «Par exemple, le saumon produit au Chili l'est pour les marchés européen et nord-américain, continue François Chartier. Cela ne bénéficie pas forcément aux pays en développement ou aux petits pêcheurs locaux.»

Pour autant, les associations ne rejettent pas l'aquaculture en soi. «Pourquoi pas utiliser la bande littorale pour produire du poisson, tempère Frédéric Le Manach. Mais pas en production industrielle. Il faut une bonne aquaculture, pas trop dense et sans antibiotique. On peut utiliser des invendus alimentaires pour faire des élevages de larves, servant à nourrir les poissons. Il y a aussi l'aquaculture multitrophique intégrée, qui consiste à mettre plusieurs espèces ensemble : algues, huîtres, poissons… Toutes les espèces peuvent alors se nourrir et s'utiliser mutuellement.»