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Libération
Éditorial

Folie

publié le 23 août 2017 à 20h26

On a du mal à le concevoir mais les kamikazes ne sont pas forcément des êtres décérébrés et fanatisés, prêts à tuer le plus grand nombre au nom d’une prétendue cause ou idéologie. Ce sont parfois des victimes. La secte islamiste Boko Haram s’est ainsi fait une macabre spécialité d’utiliser des enfants, en grande majorité des filles, comme bombes humaines. «Une atrocité», a dénoncé mardi l’ONU en révélant que le nombre d’enfants-kamikazes au Nigeria était en très nette croissance depuis le début de l’année. Le mot «atrocité» paraît même bien faible quand on pense à ces enfants et ces adolescentes arrachés à leurs familles, affamés, parfois violés, drogués puis envoyés à la mort comme des bestiaux. Il faut lire pour le croire les incroyables témoignages de jeunes kamikazes rescapées recueillis par Patricia Huon, notre correspondante dans la région. Ils sont glaçants. Et précieux. Car ils permettent de comprendre de l’intérieur le fonctionnement d’un groupe de fanatiques que rien n’arrête. Face à cette folie, on pourrait se sentir impuissants. Mais le reportage rapporté aussi de Maiduguri, cette ville du nord-est du Nigeria durement meurtrie par Boko Haram et aujourd’hui en pleine renaissance malgré la menace persistante des attentats-suicides, laisse percer un semblant d’espoir et surtout des pistes de travail. Comme le dit un de ses habitants, «un homme affamé est un animal dangereux». Tout est dit dans cette phrase. C’est en combattant la corruption et en donnant à ces pays les bases nécessaires à leur développement que l’on finira par assécher le terrain sur lequel prospèrent les fanatiques. «Détruire l’éducation était le mot d’ordre de Boko Haram. Aujourd’hui, c’est tout ce qu’on a pour s’en sortir», dit encore une étudiante de Maiduguri. L’avenir, il est là, sous nos yeux. Le préparer n’exige pas forcément beaucoup de moyens. Il faut juste le décider.