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Libération
Liberté de la presse

En Azerbaïdjan, arrestation du directeur de la seule agence de presse indépendante

«Turan» est l'un des rares médias à proposer une couverture critique du pouvoir du président Ilham Aliyev, qui dirige son pays d’une main de fer depuis 2003.
Mehman Aliyev dans une vidéo publiée le 9 janvier. (Capture d'écran Human Rights House Network. Youtube)
publié le 25 août 2017 à 18h37

C'était la seule agence indépendante de l'ancienne république soviétique du Caucase. Turan a annoncé la prochaine suspension de ses activités après l'arrestation de son directeur le 24 août, et le gel de ses comptes par la justice azerbaïdjanaise. Sur sa page d'accueil, l'agence publie en rouge les dernières réactions internationales sur sa fermeture imminente et l'incarcération de son directeur et propriétaire Mehman Aliyev. Le Parquet avait gelé les comptes bancaires de son agence, dans le cadre d'une enquête sur le non-paiement présumé de près de 19 000 euros d'impôts. Il dément les accusations portées à son encontre et évoque un coup monté de toutes pièces.

Critique du régime

Sous son statut de média indépendant, Turan était l'ultime voix critique envers le pouvoir en place. Un pouvoir incarné par Ilham Aliyev, à la tête du petit pays riche en hydrocarbures depuis 2003 depuis la mort de son père Heydar, ancien officier du KGB qui a dirigé le pays dans les années 80, et entre 1993 et 2003. Réélu en 2013 avec 85% des voix, Ilham Aliyev en a profité pour renforcer son emprise sur l'ancienne République Soviétique. En février 2017, le président azerbaïdjanais a même nommé sa femme Mehriban Alieva vice-présidente du pays.

Dans sa quête de mainmise totale, le régime peut également compter sur son contrôle des médias, en particulier la télévision et la radio, hors d'accès de l'opposition, même si les réseaux sociaux permettent de contourner en partie cette restriction. Les autorités azerbaïdjanaises ont tout fait ces dernières années pour mettre fin au pluralisme médiatique. Le quotidien Zerkalo a ainsi été contraint de suspendre sa publication en mai 2014. Le bureau à Bakou (la capitale) de Radio Free Europe/Radio Liberty a été fermé, fin 2014.

Sept ans de prison

Le dernier journal d'opposition, Azadlig, a lui aussi dû interrompre son tirage papier en septembre 2016. Ses dirigeants ont dû s'exiler, et son directeur financier, Faïg Amirov, a été condamné fin juillet à trois ans et trois mois de prison. Jointe par Libération, Rachel Denber, directrice adjointe de la division Europe et Asie Centrale de Human Rights Watch, se montre très préoccupée : «Turan était devenu le seul média indépendant du pays. Le contre-pouvoir est désormais affaibli en Azerbaïdjan.» Et de poursuivre sur l'arrestation du directeur de l'agence : «Mehman Aliyev est en détention provisoire pendant trois mois le temps de son procès. Il risque sept ans de prison pour les faits qui lui sont reprochés.»

Reporters sans frontières réclame sur son site, la «libération immédiate» de Mehman Aliyev, dont l'arrestation représente selon elle «une soudaine escalade dans la répression du régime envers le dernier média indépendant encore en activité en Azerbaïdjan». Turan affiche également sur son site la réaction du ministère des Affaires étrangères français, qui appelle l'Azerbaïdjan à «respecter leurs obligations internationales en matière de liberté de la presse», et de «garantir l'indépendance du système judiciaire». De son côté, Rachel Denber insiste sur «la nécessité de communiquer pour amorcer sa libération». L'Azerbaïdjan occupe la 162e place sur 180 au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2017.