Le torchon brûle entre le pouvoir central espagnol et les autorités régionales de Catalogne, embarquées dans un processus séparatiste devant déboucher sur un référendum d'autodétermination, le 1er octobre. Officiellement, les deux parties antagonistes maintiennent tant bien que mal une unité de façade après les attentats du 17 août sur les Ramblas barcelonaises et à Cambrils (15 morts au total), la pire tragédie jihadiste en Espagne depuis la tuerie de la gare d'Atocha à Madrid en 2004. Mais vendredi soir, à la veille d'une immense manifestation à Barcelone contre le terrorisme, les accusations se sont faites mordantes de part et d'autre.
La principale d'entre elles est venue du séparatiste Carles Puigdemont, le chef de l'exécutif de Catalogne qui, dès l'attentat, a profité des larges compétences de la police régionale, les Mossos d'Esquadra (en charge des affaires de terrorisme), pour tenter de prouver que celle-ci était à la hauteur d'un corps étatique : selon lui, le pouvoir central jouerait dangereusement «avec la sécurité des Catalans».
Pourquoi ? Parce qu'à l'en croire, Madrid aurait limité les moyens humains et matériels accordés aux Mossos d'Esquadra. Calculette en main, Puigdemont estime qu'avec «seulement» 16 800 policiers, ils souffrent d'un déficit de quelque 1 500 agents. Ces limitations, a-t-il dit en substance, rendent d'autant plus héroïque la réponse des Mossos face aux attentats – ils ont abattu cinq terroristes à Cambrils et tué le conducteur de la fourgonnette des Ramblas en cavale.
En outre, le gouvernement indépendantiste à Barcelone accuse Madrid de «restreindre», voire de rendre impossible, l'accès aux fichiers d'Interpol. Dans la capitale espagnole, on reconnait que les informations entre polices européennes passent forcément par les Etats, mais qu'«en aucun cas, la police catalane ne peut en bénéficier».
De son côté, le chef de l’exécutif conservateur Mariano Rajoy a éludé les accusations des souverainistes catalans : il lui importe d’éviter toute levée de boucliers avant l’immense marche prévue ce samedi autour de la Place de Catalogne, à Barcelone où, pour la première fois, seront présentes toutes les autorités, en particulier le Roi Philippe VI, premier monarque espagnol à participer à une manifestation.
Pour autant, la tension reste forte quant à la question du référendum du 1er octobre. Le gouvernement espagnol laisse entendre qu'il est disposé à recourir à l'article 155 de la constitution, permettant de «suspendre» l'autonomie de la Catalogne. Et qu'il n'autorisera aucun «écart légal». En signe de défi, les indépendantistes affirment disposer déjà de 5 000 urnes et soutiennent que le référendum sera organisé «quoi qu'il arrive».
Sur le plan de la lutte antiterroriste, la tension devrait aussi s'aggraver dans les jours à venir : alors que l'enquête doit désormais porter sur les «connexions internationales» de la cellule djihadiste (en France, au Maroc, en Suisse, en Belgique), c'est au gouvernement central qu'il incombe normalement de prendre le relai et le plein contrôle des opérations. Une évolution qui n'est pas pour plaire aux Mossos d'Esquadra et à leur gouvernement sécessionniste.