Autoproclamé «shérif le plus dur d'Amérique» et partisan de Donald Trump - il est apparu plusieurs fois à la tribune de ses meetings -, Joe Arpaio, 85 ans, a incarné pendant un quart de siècle un maintien de l'ordre xénophobe dans le comté de Maricopa, en Arizona. Assumant ouvertement un ciblage discriminatoire des Hispaniques, dans une lutte sans états d'âme contre l'immigration illégale. Reconnu coupable en juillet d'avoir violé l'injonction d'un juge fédéral lui interdisant les patrouilles discriminatoires qui ont fait sa notoriété, il vient de se voir accordée, vendredi soir, la grâce présidentielle. Joe Arpaio risquait jusqu'à six mois de prison, et attendait l'audience de détermination de sa peine en octobre. «Le shérif Joe Arpaio a maintenant 85 ans et, après plus de cinquante ans d'admirables services pour notre pays, il mérite un pardon présidentiel», a écrit vendredi soir la Maison Blanche. Tandis que Trump célébrait sur Twitter un shérif qui «a protégé l'Arizona !»
Joe Arpaio a remercié le Président sur le réseau social, qualifiant sa condamnation de «chasse aux sorcières politique menée par des fidèles de l'administration Obama au ministère de la Justice». Un tweet plus loin, il invitait même ses soutiens à envoyer des dons pour l'aider à régler ses frais de justice.
«Une approbation présidentielle du racisme», s'est ému Cecilia Wang, une responsable de la puissante organisation American Civil Liberties Union (Aclu), qui a représenté des résidents hispaniques de Maricopa pour plusieurs actions en justice contre Arpaio. «Grâcier un homme en charge du maintien de l'ordre qui a désobéi à la justice et violé des droits humains qu'il avait juré, sous serment, de protéger sape l'autorité judiciaire et la foi du public en notre système judiciaire», a quant à elle regretté Hilarie Bass, qui préside l'Association américaine du barreau. Même son de cloche auprès du sénateur républicain de l'Arizona, John McCain, pour qui la grâce d'Arpaio, qui a «illégalement fait du profilage de Latinos, sape les prétentions [de Donald Trump] de vouloir faire respecter la loi».
Pardon légal
Pour autant, la grâce présidentielle d'Arpaio n'est pas une surprise. Donald Trump, qui avait fait de la lutte contre l'immigration illégale l'une des pierres angulaires de sa campagne, avait fait savoir à plusieurs reprises qu'il en caressait l'idée. Notamment mardi, lors d'un meeting à Phoenix (Arizona) : «Je ne le ferai pas ce soir parce que je ne veux pas créer de polémique. Mais le Shérif Joe a-t-il été condamné pour avoir simplement fait son travail ?» Deux juges fédéraux ont pourtant déclaré que Joe Arpaio avait violé la Constitution et n'avait pas respecté des décisions de justice lui imposant de changer ses méthodes.
Le pardon accordé par le Président est néanmoins parfaitement légal. Mais l'usage veut que ces grâces interviennent en fin de mandat, et non sept mois après l'investiture. Et il s'agit normalement d'une procédure complexe, qui prend plusieurs années, pendant lesquelles la demande est étudiée par un département du ministère de la Justice qui émet des recommandations. Trump n'a même pas consulté ce département, qui recommande d'habitude que le pardon n'intervienne qu'après l'expression de «regrets et de repentir». Ce qui n'est pas du tout le cas de Joe Arpaio, qui n'a pas formellement déposé de demande de grâce.
Le Washington Post s'est inquiété de la propension du Président à «utiliser ce pouvoir pour prendre soin de ceux qui lui ont été loyaux», et notamment, selon leur résultat, «dans le cadre des enquêtes sur les interférences russes dans la campagne».
Morts suspectes
Joe Arpaio n’est pas seulement connu pour ses méthodes discriminatoires de profilage racial. Il a défrayé la chronique à de nombreuses reprises pendant vingt-quatre ans et six mandats de shérif, jusqu’à son échec aux dernières élections cet automne. Il s’enorgueillissait notamment des très mauvaises conditions de détention des prisonniers de son comté.
Il enfermait les sans-papiers dans une prison à ciel ouvert à Phoenix, surnommée «Tent City», qu'Arpaio désignait fièrement comme un «camp de concentration». Ces dix dernières années, de nombreuses procédures ont été menées après divers accidents, blessures ou morts suspectes dans ses geôles. Son bureau aurait également négligé d'enquêter en profondeur sur plus de 400 crimes sexuels commis dans le comté de Maricopa, dont beaucoup des victimes étaient des enfants et des immigrants illégaux.
Outre la lutte contre l'immigration illégale, Joe Arpaio partage une autre passion avec Donald Trump : la birther conspiracy, cette théorie, sans aucun fondement, selon laquelle Barack Obama n'est pas né aux Etats-Unis et mettant en doute sa citoyenneté américaine. Un «juste combat» salué par le nouveau président américain.