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Christopher Allen, reporter de guerre indépendant, mort au Soudan du Sud

Le journaliste a été tué samedi lors d'un affrontement entre l'armée et les rebelles. Il couvrait depuis deux semaines la guerre civile qui sévit dans le pays.
Un tank de l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS, dans la région de Heglig au Soudan du Sud, le 23 avril 2012. (Photo Ashraf Shazly. AFP)
publié le 28 août 2017 à 11h40

Samedi, au matin, les troupes de l'armée sud-soudanaise et celles de l'opposition se sont fait face à Kaya, une ville à la pointe sud du pays, collée à la frontière ougandaise et congolaise. Bilan de l'assaut : 19 morts, dont un journaliste indépendant américain, Christopher Allen. «Seize corps ont été trouvés : quinze d'autochtones et un d'un Blanc, rapporte le porte-parole de l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS), fidèle au gouvernement du président Salva Kiir. Nous avons décidé d'amener le corps du Blanc [à l'hôpital militaire de Juba] pour identification.» L'armée a de son côté perdu trois soldats.

Chaque camp accuse l’autre d’avoir lancé l’attaque. D’après les services de renseignement ougandais, la ville de Kaya était contrôlée par l’armée depuis le dernier assaut de l’opposition, en novembre 2016. Les environs étaient, eux, aux mains des rebelles, l’Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (APLS-DO).

Christopher Allen suivait les troupes rebelles depuis deux semaines, d'après leur porte-parole, William Gatjiath Deng, avec deux autres journalistes qui pourraient être repartis vers l'Ouganda. Ce samedi matin, Christopher Allen s'est retrouvé au milieu d'un violent combat. Il portait une veste floquée «presse» lorsqu'il a été tué d'un tir qui n'a pas été revendiqué. Les membres de l'armée rebelle ont reconnu son corps. «Nous sommes tristes pour sa famille. Il était venu ici pour raconter notre histoire», a déclaré un des combattants. L'ambassade américaine locale a confirmé le décès et informé la famille.

«Passionné par les histoires des gens touchés par la guerre»

Journaliste indépendant de 26 ans originaire de Philadelphie, Christopher Allen était diplômé de l'université de Pennsylvanie. Il avait ensuite étudié l'histoire européenne à Oxford et à la Sorbonne. Il avait collaboré avec Al-Jazeera, The Independent, Vice News ou encore The Telegraph. En 2014, il avait couvert le conflit ukrainien, et avait été un des premiers sur les lieux du crash de l'avion de la Malaysia Airlines. Dans un article publié dans The Pennsylvania Gazette, il décrivait ses motivations à être reporter de guerre : «Je suis venu ici pour me rapprocher le plus possible du conflit, pour voir comment il se déroule et pourquoi, pour mieux comprendre les vies de ceux qui se battent et de ceux qui sont affectés par le conflit, et pour essayer de mieux saisir l'histoire qui est en train de se passer ici.»

C'est cette curiosité et cette envie de comprendre le monde que décrit Pat Hughes, auteure et amie de la famille Allen. «Il était passionné par le fait de raconter les histoires des gens touchés par la guerre, raconte-t-elle. Il était allé au Soudan du Sud pour les mêmes raisons que n'importe quel journaliste qui va dans un endroit risqué : ramener l'information et attirer l'attention du monde dessus.»

Cet inlassable curieux était un journaliste déterminé. «Il se débrouillait pour se rendre aux points chauds, se trouver des intermédiaires et des traducteurs, trouvait totalement seul comment suivre les gens qu'il voulait», raconte Pat Hughes.

Un pays en pleine guerre civile

Christopher Allen se trouvait au Soudan du Sud depuis deux semaines. Après son indépendance en 2011, le pays a rapidement plongé dans une guerre civile qui oppose le président Silva Kiir de l'ethnie dinka, suivi par l'armée officielle, et l'ancien vice-président Riek Machar, un Nuer, soutenu par l'armée d'opposition APLS-DO.

En 2015, un accord de paix avait été signé entre les deux partis. Riek Machar était même revenu à la capitale, Juba, pour partager le pouvoir en avril 2016. Mais après seulement trois mois, l'accord avait été brisé et le vice-président et ses partisans avaient dû fuir. Depuis le début du conflit, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées, et plus de 3 millions déplacées, d'après Human Rights Watch. La plupart fuient vers l'Ouganda, pays voisin.