Le Parque Central, la place au cœur de Guatemala Ciudad, a retrouvé son animation de l’été 2015, quand des rassemblements quotidiens avaient forcé à la démission le président Otto Pérez, englué dans un scandale de corruption. Cette fois-ci, c’est Jimmy Morales, le successeur de Pérez, qui est la cible du mouvement citoyen.
Comique télévisuel bas de gamme et novice en politique, Morales avait été élu sur fond de rejet des élites corrompues. Pourtant, il se présentait sous les couleurs d’un parti créé par des généraux désireux d’échapper à des poursuites pour génocide contre les communautés indigènes : 200 000 morts ou disparus entre 1960 et 1996, d’après l’ONU.
Dimanche dernier, le Président a décrété l’expulsion du chef de la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig), mise en place en 2006 par les Nations unies. L’existence de cette commission permet aux juges de résister aux pressions politiques et aux menaces. Sans elle, l’arrestation d’Otto Pérez aurait été impossible. Le principal grief de Morales contre le Colombien Ivan Velázquez est l’ouverture d’une enquête sur le financement de sa campagne présidentielle.
Le geste du Président a provoqué la démission de trois de ses ministres. Mercredi, la Cour constitutionnelle a statué et jugé illégale l’expulsion, provoquant la liesse au Parque Central. La manœuvre a donc échoué, et terni davantage une image publique passablement écornée. En mars, 41 jeunes filles avaient été brûlées vives dans l’incendie d’un foyer d’accueil. Mauvais traitements, prostitution forcée de mineures : la tragédie avait révélé le délabrement des structures d’aide à l’enfance. Et l’incurie de l’Etat avait été dénoncée par les défenseurs des droits humains.
Jimmy Morales s’est donné un vernis de chef d’Etat respectable avec sa visite en France début juin, où il a été reçu à l’Elysée par Emmanuel Macron, au Sénat par Gérard Larcher et, plus étrange, par Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Les raisons de ce tapis rouge sont commerciales : le groupe franco-britannique Perenco, contrôlé par une des familles les plus riches de France, les Perrodo, détient le monopole de l’exploitation pétrolière au Guatemala. Dans des conditions qui suscitent les critiques des défenseurs de l’environnement.