«On ne mange JAMAIS de lentilles […]. Mais à ce jour, nous avons un stock de quarante-cinq ans de lentilles sur les bras. Nous sommes passés en mode panique dans la préparation aux ouragans, et une chose que les Floridiens font quand ils sont dans ce mode, c'est aller au supermarché, faire la queue pendant des heures et acheter en masse des quantités de choses qu'ils ne mangeront jamais.» L'édito de ce jeudi, du chroniqueur au Miami Herald Dave Barry (intitulé «Même avec Irma qui frappe à la porte, nous, à Miami, ON NE PANIQUE PAS DU TOUT !») donne l'ambiance en Floride, alors que l'Etat du sud-est des Etats-Unis se prépare à affronter l'ouragan, qui devrait frapper la côte ce week-end.
Deux semaines après Harvey et ses pluies historiques qui ont inondé le Texas et la Louisiane, l'ouragan Irma a frappé mercredi les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Irma menace désormais Porto Rico, Haïti et la Floride. L'appel de la mairie de Miami à faire trois jours de provisions en eau et en nourriture a rapidement provoqué une pénurie. Sur place, les habitants décrivent des queues interminables aux stations-service et des supermarchés en rupture de stock. Les autorités ont ordonné l'évacuation des résidents à partir de mercredi soir dans les Keys, l'archipel touristique du sud de l'Etat qu'Irma devrait toucher en premier. Au moins 25 000 personnes ont quitté la zone. Un ordre d'évacuation de plus de 100 000 habitants du comté de Miami-Dade, qui comprend Miami Beach, est en vigueur depuis jeudi matin. Les barrières d'autoroutes ont été relevées pour fluidifier le trafic vers l'intérieur de l'Etat. La mairie de Miami a mis en place quatre centres d'accueil en ville, d'une capacité de 8 000 personnes, et des sacs de sable ont été distribués dans les quartiers en zone inondable. L'état d'urgence a été décrété sur toute la Floride et des militaires de la Garde nationale ont été rappelés. La Floride «se prépare pour s'assurer que les familles sont en sécurité», a affirmé le gouverneur républicain de Floride, Rick Scott, assurant qu'Irma était «plus gros, plus rapide et plus fort que l'ouragan Andrew», qui avait dévasté l'Etat il y a vingt-cinq ans. Parti du nord-ouest des Bahamas, Andrew, classé après coup en catégorie 5, avait fait rage à la fin du mois d'août 1992.
Volets
«Il y a eu un avant et un après Andrew, explique à Libération le Dr Richard Olson, directeur du Centre international de recherche sur les ouragans de l'Université internationale de Floride, à Miami. Les destructions provoquées par Andrew ont été si énormes, si choquantes, qu'elles ont révélé l'impréparation technique, architecturale, voire psychologique de la Floride. Ce fut un véritable tournant.» Le chercheur raconte l'absence de volets anti-ouragan, des plans d'évacuation faiblards, une mauvaise coordination entre le pouvoir local, l'Etat et le fédéral…
Aujourd’hui, ce problème a été réglé, grâce à la mise en place d’un système de coordination qui sert à tous les Etats-Unis. La gestion de l’urgence s’est professionnalisée. Le code de la construction de Floride, qui prévoit des bâtiments plus résistants aux vents violents, a servi de modèle à plusieurs pays des Caraïbes et d’Amérique latine. Des lois ont été votées pour obliger supermarchés, stations-essence et hôpitaux à s’équiper en générateurs.
Conserves
La Floride est désormais considérée comme un leader mondial dans le domaine. Les comtés se sont équipés en bateaux et véhicules adaptés, et dotés d'équipes spécialisées dans la réponse à ces événements climatiques - plusieurs se sont d'ailleurs rendues à Houston après Harvey. «Mais aucun plan n'est infaillible, et il reste toujours beaucoup d'inconnues pour ces événements climatiques», s'inquiète le Dr Olson, qui entasse conserves et bouteilles d'eau dans son domicile et juge l'arrivée d'Irma «effrayante». «Pour l'instant, Irma est craint pour ses rafales de vent, on n'attend pas de pluies diluviennes. Mais ça peut changer. Les vents font surtout des dégâts matériels, mais l'eau tue. Vous savez ce qu'on dit : "On se cache du vent, on fuit l'eau."»