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Irma

Irma En Floride, on se barre ou on se barricade

Dans l’attente du passage de l’ouragan qui a ravagé plusieurs îles, les habitants de la péninsule du sud des Etats-Unis sont partagés entre fuir coûte que coûte et rester malgré les risques.
A Fort Pierce, en Floride, jeudi. (Photo J. Henry. NYT. Redux. Rea)
publié le 8 septembre 2017 à 20h16

Les différents modèles de prévision sont désormais unanimes : Irma, après avoir ravagé plusieurs îles des Antilles (lire ci-dessus) et contourné Haïti et Cuba par le nord, va frapper de plein fouet, au cours de ce week-end, le sud de la Floride. Selon le Centre américain de veille cyclonique, l'œil du gigantesque ouragan devrait toucher terre dans l'archipel des Keys dans la nuit de samedi à dimanche, heure locale, puis remonter vers le nord et le parc national des Everglades. Dès samedi matin, des vents violents devraient commencer à balayer le sud du «Sunshine State», rendant périlleuse toute tentative d'évacuation.

«Puissante et mortelle»

Cindy Lerner, maire de la petite ville de Pinecrest, à une vingtaine de kilomètres du sud de Miami, a été l'une des dernières, vendredi, à prendre la route. «Nous avions décidé de rester. On avait un générateur, des vivres, on avait protégé les fenêtres et fait tailler les arbres. Mais les dernières prévisions sont terrifiantes. J'ai vécu beaucoup d'ouragans mais je n'ai jamais eu aussi peur», confie-t-elle par téléphone. Avec quelques effets personnels et des réserves d'eau, de nourriture et de médicaments, Cindy Lerner a pris la route en famille pour tenter de rejoindre Gainesville, dans le nord de l'Etat. Rétrogradé vendredi matin en catégorie 4 (sur une échelle de 5), Irma demeure malgré tout d'une ampleur inédite. «Cette tempête est puissante et mortelle. Elle est plus large que notre Etat dans sa totalité», a mis en garde le gouverneur de Floride, Rick Scott. Irma pourrait déverser par endroits plus de 50 centimètres de pluie et provoquer une montée des eaux de 1 à 3,50 mètres. Conséquence : la zone d'évacuation obligatoire a été étendue dès jeudi soir par les autorités locales. Plus d'un million d'habitants sont concernés. Signe toutefois de l'anxiété qui monte, Rick Scott a dit vendredi que «tous les Floridiens devraient se préparer à évacuer bientôt». Une déclaration qui s'apparente davantage à une surenchère rhétorique qu'à une réelle consigne. Car évacuer plus de 20 millions d'habitants provoquerait un cauchemar logistique, alors que la moitié des stations d'essence du sud de la Floride étaient déjà, vendredi, en rupture de stock.

«Les files d'attente sont hallucinantes, certains ont fait la queue pendant huit heures pour faire le plein», raconte Jessica Fernandez. Cette trentenaire a décidé de ne pas partir. «Toute ma famille vit ici, mes parents, mes grands-parents, je n'allais pas partir sans eux. Je sais que cela a l'air totalement fou, mais je n'imagine pas être ailleurs qu'à Miami. C'est chez moi. Et puis il y aura tellement de besoins après, pour reconstruire. Si on est loin, on ne sera pas d'une grande aide»,explique la jeune femme. Après avoir recouvert les fenêtres de sa maison de panneaux de bois, elle va se barricader samedi avec son compagnon chez ses beaux-parents, qui vivent dans un quartier réputé plus résistant.

Angoisse

«On nous dit que le passage de la tempête pourrait durer dix heures. C'est extrêmement long, surtout en cas d'urgence, car les secours ne pourront rien faire pour nous», continue Jessica Fernandez. Les autorités locales ont en effet prévenu : dès que les vents atteindront l'intensité d'une tempête tropicale (63 km / h), pompiers et policiers se mettront eux-mêmes à l'abri et cesseront toute opération. «Nous avons de l'eau, à manger. Et du rhum, la boisson officielle des ouragans», ajoute-t-elle en souriant. Au bout du fil, l'humour cède toutefois vite la place à une profonde angoisse : «Je n'ai jamais vu les gens aussi anxieux et nerveux. Habituellement, les vrais Floridiens, ceux qui ont connu tous les ouragans, ne fuient pas. Pour la première fois, beaucoup de mes amis ont décidé de partir. Cela va être catastrophique.»