Alors que tous les regards étaient braqués sur la Floride, l'ouragan Irma a heurté de plein fouet, samedi, la côte nord de Cuba. Il était à ce moment-là de catégorie 5, le maximum sur l'échelle de Saffir-Simpson. Pendant plusieurs heures, des vents allant jusqu'à 250 km/h et des pluies torrentielles ont balayé le littoral et le centre du pays, arrachant toits et installations électriques, inondant les habitations et les routes. Irma fut le plus puissant ouragan à frapper l'île depuis 1932. Lundi, la défense civile cubaine a annoncé «la perte regrettable de dix vies humaines».
L'eau potable, la préoccupation
Julia habite dans le quartier Centro Habana, à trois blocs du Malecón, le célèbre boulevard frappé par des vagues de près de 5 mètres ce week-end. «La mer est montée jusqu'au pied de mon immeuble», explique-t-elle à Libération, lundi, grâce au peu de batterie qu'il reste sur son téléphone portable. Selon elle, toute la ville est privée de courant, «même les zones éloignées du littoral». La jeune employée de bureau raconte ne pas être sortie de chez elle depuis samedi midi, «quand la police a quadrillé les rues pour ordonner aux gens par mégaphone de rentrer chez eux. Peu après, les vents ont commencé à souffler très fort». Quand elle se penche à sa fenêtre, au deuxième étage, elle contemple «une scène de tsunami» : «La mer s'est retirée, mais la chaussée est jonchée d'ordures, de gravats tombés des immeubles et parfois d'imposants blocs de pierre.» Sa principale préoccupation : l'eau potable. «Nous sommes alimentés par de grands réservoirs situés sur le toit, qui remontent l'eau des canalisations souterraines grâce à une pompe à moteur, explique-t-elle. Là, la saleté a tout envahi, il va falloir attendre qu'arrive de l'eau consommable. Ça risque de prendre plusieurs jours.» Une fois l'eau et l'électricité revenues, il restera une hantise pour les habitants du cœur de La Havane : «Dans beaucoup de bâtiments en mauvais état, les murs se sont gorgés d'eau et quand elle va s'évaporer, la pierre va se fragiliser et les effondrements vont se multiplier.» Les écroulements de bâtiments ont déjà causé la mort d'au moins sept personnes à La Havane.
Des gens perchés sur leur toit
L'eau de mer s'est propagée sur environ 250 mètres, selon l'AFP, dans les rues adjacentes au Malecón, un quartier déshérité où les bâtiments sont déjà fortement abîmés par le temps et les embruns marins. Les secteurs résidentiels de Miramar et du Vedado ont aussi été inondés. Lundi, des photos montraient ainsi certains habitants avec de l'eau jusqu'au bassin, tentant de limiter les dégâts dans leur logement. Dans le centre du pays, d'autres gens, perchés sur leur toit, regardaient les rues transformées en torrents boueux. Selon la défense civile, «les dommages sont incalculables, surtout dans le secteur agricole». Les régions les plus touchées, dans le centre du pays, sont aussi le cœur de la culture de bananes et de sucre de canne, dont est fortement dépendante la population.