Médias fermés, opposition arrêtée, ONG expulsée… Le Cambodge du Premier ministre Hun Sen ne s'embarrasse même plus des apparences de la démocratie. C'est une «descente en pleine dictature», comme le titrait le quotidien anglophone The Cambodia Daily avant de mettre la clé sous la porte, le 4 septembre. Mardi, après deux décennies de présence dans le royaume, Radio Free Asia a, à son tour, fermé son bureau de Phnom Penh. Le jour où le Parti national de sauvetage du Cambodge (CNRP) a été empêché de commémorer l'attaque d'un rassemblement de l'opposition, qui avait fait près de 20 morts et une centaine de blessés le 30 mars 1997.
Qui était visé ce jour-là ? Sam Rainsy, leader de l'opposition, qui vit aujourd'hui en exil à Paris pour éviter la prison après une énième condamnation. Kem Sokha, le dirigeant du CNRP qui, lui, n'a jamais quitté le Cambodge a été arrêté le 3 septembre par une bonne centaine de policiers qui ont saccagé son domicile. Que lui reproche le clan Hun Sen ? Rien de moins qu'une «conspiration secrète, entre Kem Sokha, son groupe et des étrangers, faisant du tort au Cambodge», selon un communiqué de Phnom Penh. Le gouvernement a déniché un «acte de trahison».
L'autocrate patriarche Hun Sen, au pouvoir depuis 1985 et qui s'y est maintenu à grand renfort de manipulations électorales et d'intimidations physiques et verbales, voit de la «trahison» partout avant les élections législatives de l'été prochain. Lundi, il est reparti à l'assaut de l'opposition, qu'il a menacée de «dissolution». Il n'a pas apprécié qu'une vingtaine de députés du CNRP boycottent le Parlement pour aller soutenir Kem Sokha devant sa prison. «Si le parti continue de protéger ce traître, cela veut aussi dire que leur parti est traître», a tonné Hun Sen. Qui s'est dit prêt à rester encore dix ans au pouvoir et menace le Cambodge d'un retour de la guerre civile - après le génocide des années 1975-1979 par les Khmers rouges - s'il devait en être chassé.