Dans moins de trois mois, tous les logiciels de Kaspersky Lab devront avoir été désinstallés des ordinateurs du gouvernement américain et des agences fédérales. Mercredi, le département américain de la Sécurité intérieure a interdit aux fonctionnaires fédéraux l'usage des produits de l'entreprise de cybersécurité russe. Le gouvernement serait préoccupé «par les liens que certains responsables de Kaspersky entretiennent avec les services de renseignement et d'autres agences gouvernementales russes», a indiqué la secrétaire à la Sécurité intérieure par intérim, Elaine Duke, dans un communiqué.
Fondé à Moscou il y a 20 ans, Kaspersky Lab est réputé être l'un des meilleurs fournisseurs d'antivirus. Avec près de 400 millions d'utilisateurs, il s'agit d'un des logiciels de cybersécurité les plus utilisés au monde. La société russe a réagi en niant les allégations : «Étant donné que Kaspersky Lab n'entretient aucune liaison politique avec des Etats, nous sommes très déçus de la décision du ministère de la Sécurité intérieure», a indiqué un porte-parole. Depuis, le cofondateur du groupe, Eugène Kaspersky, a offert à plusieurs reprises aux autorités américaines de révéler le code source de ses logiciels afin de prouver qu'il n'y existe pas de portes dérobées.
Préoccupation justifiée
Selon Steven Meyer, spécialiste en cybersécurité et directeur de l'entreprise de cyberprotection ZENData, cette offre de transparence ne vaut pas beaucoup : «Même s'il n'y a pas de portes dérobées pour l'instant, les antivirus se trouvent tellement proches du noyau du système qu'une simple mise à jour suffirait pour en créer une.» D'ailleurs, Meyer estime très probable qu'il existe une sorte de collaboration entre Kaspersky et le Kremlin, dans la lutte contre la cybercriminalité par exemple. Toutefois, il n'y voit rien de grave ni de nouveau : «Par le passé, Microsoft a aussi coopéré avec le FBI. Kaspersky n'est pas du tout le seul exemple.»
Une autre raison pour laquelle Meyer estime que la préoccupation de Washington est justifiée : même sans une collaboration de Kaspersky, le gouvernement russe pourrait profiter de ses produits pour accéder aux systèmes informatiques du gouvernement américain. Beaucoup des 3 500 employés de Kaspersky vivent en Russie ou y ont de la famille. Ce qui les expose à d'éventuelles pressions. «Surtout en cas de guerre, ce serait un moyen coercitif possible pour le Kremlin d'obtenir un accès aux systèmes protégés par Kaspersky», ajoute l'expert.
Le gouvernement russe, lui, y voit surtout une discrimination économique envers les entreprises russes. «De telles actions vont à l'encontre de la concurrence équitable et des règles internationales», a signalé Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin.