Si le président américain, pour sa première prise de parole à l'ONU, a sagement lu son texte ce lundi matin, il n'a pu s'empêcher de faire une introduction à la Trump, avec une référence directe à sa tour, non loin du siège des Nations unies. «J'ai vu un grand potentiel juste de l'autre côté de la rue, pour être honnête avec vous, et ce projet s'est avéré être un succès pour la seule raison que l'ONU était juste à côté», a-t-il déclaré en ouverture de son discours, assis entre le Secrétaire général, António «you have been fantastic» Guterres, et l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley. Le magnat de l'immobilier et président américain s'exprimait dans le cadre d'une réunion à l'initiative des Etats-Unis sur la réforme de l'ONU, à 24 heures de son discours très attendu lors de la 72e Assemblée générale des Nations unies.
Environ 130 pays ont endossé la déclaration politique non contraignante en 10 points, rédigée par les Américains, poussant l'ONU à se réformer. Un «chiffre miraculeux», s'enthousiasmait Nikki Haley vendredi, lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche. La France, qui traînait des pieds jusque-là, a fini par la signer dimanche. Elle n'aurait pas apprécié, disent plusieurs de ses partenaires, la manière dont a été conduite l'initiative américaine. En août, les Etats-Unis avaient approché une quinzaine de capitales, dont Berlin et Londres, mais ni Paris ni Rome, avec un premier projet de texte insistant sur la responsabilité du secrétaire général dans les réformes. L'objectif de cette déclaration est de rendre «plus efficace et performante» une organisation souvent critiquée pour ses lourdeurs administratives coûteuses.
Club
Il paraît loin, le Trump qui tançait l'ONU, le décrivant comme un «club» où les gens «passent un bon moment». Le président se veut désormais réformateur, louant les «objectifs sincèrement nobles» avec lesquels les Nations unies ont été fondées. «Cependant, ces dernières années, elles n'ont pas atteint leur plein potentiel à cause de la bureaucratie et d'une mauvaise gestion, a continué Donald Trump. Alors que le budget de l'ONU a augmenté de 140% et ses équipes ont plus que doublé depuis 2000, nous ne voyons pas les résultats conformes à cet investissement.» Trump a appelé à «se concentrer plus sur les populations et moins sur la bureaucratie», «plus sur les résultats que sur le processus».
Donald Trump veut en effet réduire les coûts de l'organisation, surtout la contribution américaine, qu'il juge trop élevée. La référence était à peine voilée dans sa déclaration, lundi : «Pour honorer les peuples de nos nations, nous devons nous assurer que personne, qu'aucun Etat membre ne porte une part disproportionnée du fardeau, militairement comme financièrement.» Washington est en effet le premier contributeur financier à l'ONU, assurant 28,5% des 7,3 milliards de dollars (6,1 milliards d'euros) du budget opérations de paix, et 22% des 5,4 milliards de ses crédits de fonctionnement.
Réformes consensuelles
La déclaration américaine présentée lundi n'entre pas dans le détail des chiffres, se bornant à lister de grands principes. Ce qui autorise les pays signataires, comme au secrétaire général, de soutenir l'initiative américaine sans crainte. António Guterres prône lui aussi depuis sa prise de fonction une réforme de l'ONU et une réduction de ses coûts de fonctionnement - avec, par exemple, des économies faites sur le parc aérien de l'organisation. «Les réformes avancées par Guterres et les Américains sont assez clichées et très consensuelles, note Stephen Schlesinger, du think-tank Century Foundation, à New York, auteur de Act of Creation, un ouvrage sur la naissance des Nations unies. Dire qu'on veut rationaliser la bureaucratie et la paperasserie, ou améliorer la collaboration entre les différentes agences, tout le monde sera d'accord avec ça. Mais qu'est-ce que ça peut vraiment changer concrètement?»
Pour le spécialiste de l'ONU, Guterres soutient cette «réforme faible» pour «donner des gages à l'administration Trump et établir des relations avec elle à peu de frais». Et du côté de l'administration Trump, il s'agit de «montrer à sa base qu'ils sont durs avec les Nations unies et efficaces pour réduire les dépenses du contribuable américain et le népotisme».