Le bras de fer entre la capitale espagnole et la région rebelle, dont les autorités s'évertuent à organiser pour le 1er octobre un référendum d'autodétermination prohibé par Madrid, touche désormais le nerf de la guerre : les finances. Celles de la Catalogne ont été mises sous tutelle, sous l'égide du ministère de l'Economie. Concrètement, les autorités séparatistes, à Barcelone, ne peuvent plus disposer des quelque 1,4 milliard d'euros qu'elles collectent au titre de divers impôts. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy estime que ce blocage est le seul moyen de s'assurer que les indépendantistes, menés par Carles Puigdemont, ne consacrent pas un euro de leurs ressources financières à l'organisation de cette consultation proscrite.
Le 21 juillet, dans un climat de méfiance mutuelle, le gouvernement Rajoy avait obligé l'exécutif de Puigdemont à produire chaque semaine un document justifiant ses recettes et dépenses. Or le vice-président de Catalogne, le très indépendantiste Oriol Junqueras, a désobéi la semaine passée en cessant d'envoyer ces justificatifs. Réponse de Madrid : la mise sous tutelle des finances de la région, donc, un «nouveau système de contrôle des dépenses afin d'éviter des activités illégales»,d'aprèsle ministre du Budget.
Locomotive de l'économie espagnole (19 % du PIB), la Catalogne connaît pourtant une situation financière désastreuse. Avec une dette totale de 51 milliards d'euros envers l'Etat et un déficit budgétaire de près de 2 milliards d'euros, la région flirte avec la banqueroute. Cette forte dépendance financière constitue l'un des arguments de ceux qui prônent la sécession. «Madrid nous étouffe […] et s'arroge une bonne partie de notre richesse, confiait récemment Oriol Junqueras. Nous n'avons d'autre solution que la pleine souveraineté.» Mais dans la capitale, on prédit à la Catalogne indépendante un avenir apocalyptique : «Leur économie subirait une contraction de 30 % et le chômage se multiplierait par deux», a affirmé dimanche le ministre de l'Economie, Luis de Guindos. D'après plusieurs médias, cette décadence économique serait en cours : 800 entreprises auraient quitté la région depuis 2008. En face, les séparatistes parlent de se débarrasser du «boulet» espagnol pour devenir une République aux «finances assainies».