Cela n'est sans doute pas pour lui déplaire. Du haut de ses 39 ans, Emmanuel Macron s'annonce comme l'une des principales attractions de la grand-messe onusienne. L'impopularité de Donald Trump, conjuguée à l'absence des leaders chinois et russe, place le président français en position idéale : celle du champion de l'ordre multilatéral face à la tentation du repli, incarnée notamment par le locataire de la Maison Blanche. «Il n'aura pas grand-chose à faire pour être la star à New York. Pour beaucoup de chefs d'Etat, il est cette figure jeune, positive, à l'opposé de Trump», estime Richard Gowan, de l'European Council on Foreign Relations. «Macron va être le véritable concurrent de Trump aux Nations unies. Il va être une figure beaucoup plus séduisante, abonde Stephen Schlesinger, du think tank Century Foundation. Il sera scruté, jaugé, en contraste avec Trump. En fait, Emmanuel Macron va prononcer le discours qu'un président américain traditionnel aurait dû prononcer.»
A la tribune de l'ONU, où il s'exprimera probablement pendant une grosse quinzaine de minutes ce mardi midi (vers 18 heures, heure de Paris), Emmanuel Macron devrait insister sur «sa vision du multilatéralisme» et de la façon dont «la France situe son action dans le monde», explique-t-on à l'Elysée.
Teneur. Objectif : défendre les «biens communs» (planète, paix, justice, libertés, culture), comme il l'avait fait, fin août, devant les ambassadeurs français. Et marteler que les instances multilatérales, au premier rang desquelles l'ONU, demeurent des lieux cruciaux de dialogue et de négociation. Corée du Nord, changement climatique, Syrie, avenir de l'accord nucléaire iranien : les principaux dossiers sur la table de cette 72e Assemblée générale sont d'ailleurs tous «des tests pour l'action collective», résume une diplomate française. «Macron est dans une position très confortable. Il va parler peu après Trump à la tribune, ce qui lui permettra de se positionner comme l'anti-Trump, surtout si ce dernier déraille ou s'écarte de son texte», analyse Richard Gowan.
Du côté de l'Elysée, on n'écarte d'ailleurs pas la possibilité de retoucher, en dernière minute, le discours du président français en fonction de la teneur de celui de Trump. «Notre président a prouvé qu'il savait s'adapter, y compris en réaction à des discours américains», souligne un conseiller, en référence au «Make our planet great again» lancé en juin par Emmanuel Macron juste après l'annonce par Donald Trump du retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris.
Si la logique de rapport de force - symbolisé par l’interminable et virile poignée de main lors de leur première rencontre à Bruxelles - anime bel et bien la relation entre Macron et Trump, les deux hommes, qu’une génération sépare, demeurent toutefois les dirigeants de pays proches et alliés. La présence de Donald Trump à Paris pour le défilé militaire du 14 Juillet le prouve. L’agenda new-yorkais d’Emmanuel Macron aussi. Aussitôt après avoir atterri, lundi après-midi, le président français est ainsi allé rendre visite à son homologue américain dans un palace de la ville. Avec l’espoir de faire fléchir Trump sur certains sujets clés, comme la Syrie et la pérennité de l’accord nucléaire avec l’Iran.
«Macron essaie de trouver des moyens d'influencer Trump, d'émousser les pans les plus rugueux de la politique étrangère américaine, aussi bien sur le protectionnisme que sur l'unilatéralisme, estime le politologue Guillaume Devin, professeur de relations internationales à Sciences-Po. La stratégie du président Macron, c'est plutôt celle de l'enveloppement, de la recherche d'un compromis. Je ne le vois pas très bien dans une posture de confrontation qui, d'ailleurs, aurait assez peu de chances d'avoir une quelconque efficacité.»
Quête. Et Guillaume Devin d'ajouter : «Il y a le style Macron, il y a le discours, et puis il y a la réalité. Cette réalité, c'est que la France est une puissance diplomatique active, avec un réseau important, qui est susceptible de prendre des initiatives. Mais nos capacités sont limitées, nous sommes dépendants de nos alliés. Le multilatéralisme est la politique étrangère obligée de notre pays.»
Une politique «obligée» dont Emmanuel Macron entend tirer le maximum, avec des initiatives tous azimuts sur le climat, la Libye, la Syrie et même la Corée du Nord. Dans cette quête d'influence retrouvée, la France peut compter sur le nouveau secrétaire général de l'ONU. Pour le très francophone et francophile António Guterres, «il est décisif» que la France «s'active comme médiateur efficace» pour «servir de pont entre les autres puissances globales».