Chaque mois, Libération fait le point sur les histoires qui ont fait l'actualité des femmes, de leur santé, leurs libertés et leurs droits. Vingt-cinquième épisode : septembre 2017. Si vous avez manqué l'épisode précédent, il est ici (et tous les autres sont là).
Santé
Le Kentucky, bientôt unique état américain sans clinique IVG ?
Il n'y en a plus qu'une. Dans le Kentucky, état américain de plus de 4 millions d'habitants au gouverneur opposé au droit à l'avortement, la seule clinique qui pratique encore des interruptions volontaires de grossesse (IVG) s'est retrouvée en septembre devant la justice pour pouvoir rester ouverte. En cause, une sombre histoire de régulation : la clinique est supposée avoir un accord avec une compagnie d'ambulances et avec les urgences d'un hôpital proche, afin d'assurer la sécurité des patientes en cas de complications durant l'intervention. Selon la clinique, des accords ont bien été passés. Mais les services de l'Etat ont jugé soudainement qu'ils étaient insuffisants. Pour l'avocat de la clinique, Donald L. Cox, cité par NBC, «c'est juste une autre tentative d'interdire l'avortement dans le Kentucky»… Et quand l'avortement est légal et «disponible», cela ne signifie pas que les femmes qui le choisissent ne sont pas parfois victimes de maltraitance médicale ou du personnel médical. Le site culturel Konbini a compilé des témoignages en ce sens, à lire ici.
A l'occasion de la journée mondiale pour le droit à l'IVG, on a aussi décrypté la montée inquiétante du mouvement anti-avortement en Europe (même si l'Irlande a annoncé l'organisation prochaine d'un référendum sur le sujet). En septembre, Libération a aussi consacré un dossier à la pilule, de plus en plus délaissée par les jeunes. Une sociologue analyse le phénomène, plusieurs femmes expliquent pourquoi elles ne prennent pas (ou plus) ce contraceptif hormonal, et on fait le point sur les maux (vrais ou faux) dont on l'accuse.
Corps, sexualités et genres
Mastectomie : les «Amazones» défendent le droit à rester asymétrique
On les appelle les «Amazones», du nom de ce peuple mythique de femmes guerrières qui se coupaient le sein pour tirer à l'arc. Slate a recueilli les témoignages de ces femmes qui ont fait le choix de ne pas avoir recours à la reconstruction mammaire après l'ablation d'un sein. Elles sont nombreuses : sur le tiers des femmes atteintes d'un cancer du sein qui subissent une mastectomie, près de 80% préfèrent rester asymétriques, plate d'un côté et pas de l'autre, selon les chiffres officiels. Et ce malgré les pressions du corps médical et de leur entourage. Quand la patiente indique qu'elle préfère rester avec un seul sein, le mot «refus» est inscrit sur son dossier. Un mot «révélateur» des injonctions subies par les femmes, pour le Dr Dominique Gros : «cela relève presque de l'idéologie: une femme doit avoir deux seins à tout prix. Or s'il est légitime pour une femme de demander une reconstruction, il est aussi légitime qu'une femme n'en éprouve pas le besoin», estime le sénologue, interrogé par la journaliste Laure Andrillon. Certaines portent une prothèse externe, d'autres se font tatouer leur cicatrice. L'une des femmes interrogées réclame, elle, l'ablation de son autre sein, pour pouvoir «sortir sans prothèse, et sans choquer». Son médecin a refusé.
En septembre, on a aussi salué la décision de LVMH et Kering d'exclure les mannequins trop maigres des podiums, on s'est moqué du marketing foireux autour du préservatif féminin, on a lu un ouvrage sociologique sur la sexualité des femmes en prison, et on a rencontré la chroniqueuse Sophie Fontanel, qui a décidé de faire la nique à l'injonction faite aux femmes de teindre leurs cheveux blancs.
Sexisme et parité
La parité toujours pas respectée au Sénat
Cinq sénatrices de plus : la parité a très faiblement progressé lors du renouvellement de moitié des élus du Sénat le 24 septembre. Le nombre de sénatrices dans l'hémicycle est passé de 97 à 102 femmes, sur un total de 348 sièges. On arrive donc péniblement à (presque) un tiers de sénatrices (29,3%) contre 27,8% avant le scrutin. Même si la proportion pourrait être amenée à évoluer ces prochains jours en raison de l'application de la règle sur le non-cumul des mandats (et de la démission probable de certains parlementaires). Le mauvais élève ? La République en marche, qui ne compte que 14% de sénatrices, devant LR (26%), l'UDI (29%) et le PS (31%). «À ce rythme, il faudra attendre 2032 pour atteindre la parité au Sénat», a déploré le Haut conseil à l'égalité (HCE), en pointant les «stratégies anti-parité» mises en place par certains partis. Dans les circonscriptions où les parlementaires ont été élus à la proportionnelle, les partis respectaient la parité numérique (un homme, une femme, un homme, une femme) mais les candidates femmes ne représentaient qu'un quart des têtes de listes, explique en effet l'Oeil du 20 heures de France 2. Elles avaient donc moins de chance d'être élues. Pire, en Lozère (un siège à pourvoir, scrutin majoritaire), aucune femme n'était candidate. Parmi les solutions évoquées, des associations défendent un renforcement des sanctions financières. Pour l'instant, les partis préfèrent souvent payer des amendes que de respecter la parité. : entre 2012 et 2017, ils ont renoncé à 28 millions d'euros de dotation publique pour non-respect de la parité aux législatives, selon le HCE. Soit 8% du total des dotations des partis politiques.
En septembre, on a dû subir une (énième) séquence sexiste sur C8, et relayé une étude américaine sur le sexisme des interviews de joueuses de tennis.
Violences
Une installation pour montrer que le viol n’a rien à voir avec la tenue de la victime
«Comment étais-tu habillé-e ?» Cette question culpabilisante, les victimes d'agressions sexuelles l'entendent régulièrement. Alors même que la longueur d'une jupe ou la profondeur d'un décolleté n'a strictement rien à voir avec le fait de subir une agression ou pas. C'est ce que veut montrer aux étudiants une exposition installée ces derniers jours sur le campus de l'Université du Kansas, aux Etats-Unis, rapporte le Huffington Post. Sur les murs, 18 tenues accrochées à côté de récits de victimes, qui racontent ce qu'elles portaient au moment de leur viol ou de leur agression sexuelle. Parmi les vêtements figurent un bikini, un pull rouge, un t-shirt jaune, ou encore une robe d'enfant.
This 'What Were You Wearing?' exhibition idea is brilliant, simple and devastating [cn: sexual assault] https://t.co/o5eWm8QrQ3 pic.twitter.com/HkqWdQrVvh
— EastEndWomen'sMuseum (@EEWomensMuseum) September 26, 2017
Les récits ont été collectés auprès d'étudiants du Midwest via des centres spécialisés dans l'écoute des victimes, sur les réseaux sociaux, ou encore sur des panneaux affichés dans les campus. D'autres étudiants ont ensuite donné des vêtements pour reproduire les tenues décrites par les victimes. «Nous tentons de tordre le cou à la croyance selon laquelle il suffit d'éviter de porter cette tenue pour être sûre de n'avoir aucun problème, ou que l'on peut faire disparaître les violences sexuelles en changeant de manière de s'habiller», explique Jen Brockman, directrice du Centre de prévention et de sensibilisation aux violences sexuelles de l'Université du Kansas, à l'initiative du projet. L'installation, déjà présentée dans l'Arkansas et dans l'Iowa, devrait être accessible en ligne d'ici la fin de l'année.
En septembre, Libé s'est aussi interrogé sur la question de la pénalisation du harcèlement de rue et donné la parole à ceux qui sont contre : cette «nouvelle infraction ne fera que renforcer la répression et le contrôle des hommes des catégories défavorisées» et racisées, écrivent des universitaires dans une tribune à lire ici. On a aussi parlé de l'affaire, révélée par Mediapart, d'«atteinte sexuelle» sur une fillette de 11 ans (qui a pourtant porté plainte pour «viol»). Notre correspondante à Berlin a aussi rencontré Terry Reintke, une députée européenne qui a parlé de son agression sexuelle au Parlement.
Droits civiques, libertés
En Arabie saoudite, les femmes vont avoir le droit de conduire
On en a plusieurs fois parlé ici : les femmes saoudiennes ne sont pas autorisées à conduire. Elles doivent faire appel à un chauffeur, un frère, un père, un mari… pour se déplacer dans le royaume ultraconservateur. Elles sont en outre considérées comme des mineures permanentes, puisqu'elles sont placées sous la tutelle d'un homme de leur entourage. D'après l'agence de presse officielle SPA, le roi Salmane a ordonné «de permettre d'accorder le permis de conduire aux femmes en Arabie saoudite». Mais pas vraiment par féminisme. Des campagnes ont déjà eu lieu en ce sens, depuis les années 1990, sans succès, et plusieurs femmes prises en train de conduire avaient été arrêtées.
Le revirement de Ryad semble tenir à autre chose : en 2016, le prince Al-Walid ben Talal avait lancé un appel pour que les femmes puissent avoir le droit de conduire, rappelle le Figaro, avec comme justification le coût important de cette interdiction, puisque les familles devaient payer les services d'un chauffeur pour que les femmes se déplacent. «Dans le cadre de son ambitieux plan de réformes économiques et sociales à l'horizon 2030, Ryad semble assouplir certaines de ces restrictions et tente prudemment de promouvoir des formes de divertissement malgré l'opposition des ultraconservateurs.» indique encore l'AFP.
En septembre, on a aussi parlé de sept ONG qui ont appelé le gouvernement français à s'investir financièrement pour garantir les droits sexuels et reproductifs des femmes dans le monde. On vous a aussi parlé des «witch bloc», un mouvement venu des Etats-Unis dont se sont emparées des militantes anarchistes françaises, des appels pour que les femmes iraniennes puissent assister aux matchs de foot, et d'un chantier suédois d'aménagement urbain qui cherche à redonner une place aux femmes. Et on a rendu un dernier hommage à la militante américaine Kate Miller, une figure du féminisme qui s'est éteinte le mois dernier.
Travail
Le «name and shame», arme anti-inégalités salariales ?
C'était dans le programme d'Emmanuel Macron, la secrétaire d'Etat Marlene Schiappa l'a appliqué : en septembre elle a dénoncé les pratiques de deux entreprises, Sartorius Stedim Biotech, un fournisseur d'équipements pour l'industrie pharmaceutique, et Maurel & Prom, qui produit des hydrocarbures. «Non seulement ces entreprises sont parmi les dernières du baromètre Ethics and Boards sur la féminisation des instances dirigeantes, mais elles ont refusé d'être sensibilisées gratuitement sur le sujet», a dénoncé la responsable politique. Ce qu'elle a fait, cela s'appelle le «name and shame» («nommer et faire honte»). La pratique consiste à dénoncer publiquement les entreprises qui ne font pas l'effort d'améliorer la parité de leurs instances dirigeantes, ou qui ne payent pas les hommes et les femmes de la même façon, bref, les entreprises qui n'ont que faire de l'égalité hommes-femmes. Mais est-ce que faire mauvaise presse à des entreprises peut réellement influencer leur politique interne, alors que, rappelle le Monde, les écarts de rémunération entre hommes et femmes sont toujours de 27 % en moyenne et que seules 7 % des PDG sont des femmes ?
Une idée pour améliorer le nombre de femmes patronnes pourrait être de penser davantage d'espaces de travail tournés vers les femmes, comme le raconte la journaliste Clémentine Gallot dans les Inrocks : «Être moins rémunérée, se faire couper la parole ou voir ses idées recyclées par des collègues : voici quelques-unes des difficultés qui attendent les salariées, selon le manuel Le Fight club féministe de Jessica Bennett, sorti en France début mars. Pour se soustraire aux discriminations sexistes du monde de l'entreprise, certaines professionnelles envisagent désormais des formules plus adaptées.» C'est à lire ici.
En septembre, on a également parlé de collectifs féministes qui ont dénoncé dans les ordonnances de la loi travail des mesures risquant d'accroître les inégalités entre les hommes et les femmes.
Famille, vie privée
Aux Pays-Bas, Hema ne distinguera plus par genre les vêtements d’enfants
Etiquettes neutres, rayons uniques : les magasins néerlandais Hema, spécialisés dans le commerce d'objets pour la maison, de produits de beauté et de vêtements à bas prix, vont prochainement ne plus distinguer les vêtements d'enfants destinés plutôt aux garçons et ceux destinés plutôt aux filles, nous apprend le Huffington Post, qui rappelle qu'une marque anglaise, John Lewis, avait fait la même chose au début de l'année. A la place, ils seront estampillés «Kids» («enfants») afin que chaque bambin puisse choisir les vêtements qui lui plaisent indépendamment du genre à qui ils sont supposés correspondre. Malheureusement, en France, les magasins Hema n'ont pas encore prévu de suivre le mouvement.
En septembre, on a également relayé une étude sur l'inégal partage au sein du couple du temps parental et de la vie professionnelle, on a parlé du débat sur la PMA, qui devrait être ouverte aux lesbiennes et aux femmes célibataires, enfin pas tout de suite, enfin peut-être, enfin on verra. On a aussi parlé de la Tunisie, où les femmes musulmanes ont désormais le droit de convoler avec des hommes non-musulmans. Et de Loulou, mini-série drôle et maline proposée par Arte sur une jeune femme qui tombe enceinte.
Education
Des dépliants faits maison pour lutter contre les stéréotypes filles/garçons
«Le vernis à ongles, c'est pour les filles !» : face aux moqueries subies par son fils de 5 ans à l'école, Elise, auteure du blog «Maman Rodarde !», a créé des «dépliants d'autodéfense antisexiste» à glisser dans son cartable. Téléchargeables gratuitement sur son blog, les fascicules, destinés à tous les âges, sont illustrés de photos d'acteurs, chanteurs, sportifs, scientifiques ou personnalités historiques, pour montrer que, oui, les garçons peuvent «aimer le rose», «se maquiller» ou «porter des robes». La mère de famille a aussi décliné une version pour les filles, avec des images de femmes footballeuses, aux cheveux courts, en costume-cravate, ou lesbiennes.
Pour que les petites filles puissent être et aimer ce qu’elles veulent, sans qu’on les… https://t.co/ONAPURPJf1 pic.twitter.com/WI4M91AwdE
— Elise 🐌 (@MamanRodarde) September 12, 2017
L'objectif : «que les petits garçons et les petites filles puissent être et aimer ce qu'ils veulent, sans qu'on les emmerde». Sur le site du magazine Néon, la créatrice (qui, forcément, a aussi dû se farcir les critiques des anti-genre) explique avoir été contactée par de nombreux parents, enseignants ou documentalistes, qui lui ont dit diffuser ou vouloir diffuser les dépliants dans les CDI et les salles de classe. Preuve du manque de ressources pédagogiques disponibles pour lutter contre les stéréotypes.
En septembre, Libération a aussi recommandé la lecture d'un inspirant ouvrage pour enfants retraçant le destin de 100 femmes extraordinaires, a publié une tribune de chercheurs appelant à mettre fin aux stéréotypes de genre qui pèsent sur les performances scolaires des enfants, et s'est insurgé contre une campagne publicitaire belge incitant à la prostitution étudiante.
Choses lues, vues et entendues ailleurs que dans Libé
• Dans un post de blog, l'illustratrice Emma s'indigne contre les interprétations faites par certains médias de sa BD sur la «charge mentale» (on en parlait ici en mai), qui y ont vu l'occasion de prodiguer des «conseils» culpabilisants aux femmes (et jamais aux hommes). C'est à lire ici.
• Trois femmes victimes d'un caviste parisien condamné cet été pour harcèlement sexuel témoignent dans les Inrocks du sexisme à l'œuvre dans le milieu viticole, historiquement machiste.
• Un «doigt d'honneur au patriarcat» : dans un article (en anglais) à lire ici, Vanity Fair US se réjouit du cru 2017 des Emmy Awards, marqué par la consécration des séries Big Little Lies et la Servante Écarlate, portées par des femmes. A noter aussi, le prix remis à Lena Waithe, première actrice noire à remporter un Emmy pour le meilleur scénario d'une série comique, Master of None, hautement recommandable elle aussi.
• Les femmes hétérosexuelles préfèrent-elles le porno gay et lesbien ? Dans sa chronique du Monde, Maïa Mazaurette explique que le porno «traditionnel» est trop tourné vers le plaisir masculin : «les performeurs seraient moches, les performeuses auraient le regard mort, les questions de domination ne seraient pas toujours explicitement clarifiées. Constat identique du côté du porno lesbien, majoritairement produit pour un public masculin. Cette indifférence au regard désirant féminin – alors même que les femmes forment le quart des amateurs de X – ne laisse, par élimination, que le porno gay comme échappatoire», écrit-elle. Les Inrocks avaient interrogé des amatrices cet été.
• Sur le site Konbini, la journaliste Léa Marie parle de l'hymen et de la virginité comme de «constructions sociales rétrogrades mais tenaces». C'est à lire ici.
• Pratiquée jusque dans les années 80, la lobotomie visait en grande majorité les patientes femmes, pourtant minoritaires dans les hôpitaux psychiatriques, raconte le Monde dans un article qui revient sur cette sombre page de l'histoire de la psychiatrie.
• Dans une nouvelle série d'articles, le site les Jours s'intéresse au business de la petite enfance et les injonctions faites aux mères et futures mères. Le dernier épisode (accès payant) est consacré à la pression sociale de l'allaitement.
• On termine en vous recommandant un nouveau podcast, le bien nommé Les couilles sur la table, consacré à la question des masculinités. Dans le premier épisode, la journaliste Victoire Tuaillon interroge Mélanie Gourarier, chercheuse au CNRS, anthropologue et auteure d'un ouvrage sur les «séducteurs». L'interview est à écouter sur le site de Binge audio.