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Santé

Peste à Madagascar : épidémie de fake news sur Facebook

Au moins 33 morts et plus de 200 infections, la Grande Ile est touchée par une importante épidémie. Dans le combat contre la maladie, les autorités et l'Organisation mondiale de la santé rencontrent un problème nouveau : l’intox sur Facebook.
Des médecins et des infirmières du la Croix-Rouge et du ministère de la Santé contrôlent un taxi-brousse, possible lieu de propagation de l'épidémie, à Antananarivo jeudi. (Photo Rijasolo. AFP)
publié le 6 octobre 2017 à 15h03

Comme presque tous les ans, la peste est de retour à Madagascar. Mais cette année, l'épidémie a commencé plus tôt que d'habitude, elle est plus grave et, contrairement aux précédentes, elle affecte surtout les zones urbaines. Le bilan actuel s'élève déjà à au moins 33 morts depuis août, notamment dans la capitale Antananarivo et à Toamasina, deuxième ville du pays. Plus de 200 personnes ont été infectées. «La situation est grave. Nous avons beaucoup de difficultés à combattre l'épidémie», indique Charlotte Ndiaye, médecin à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à Libération.

Médicalement, la peste est bien connue. On connaît ses origines (la bactérie se développe chez les rats), la principale manière de propagation de la maladie (les puces) et le mode de traitement le plus efficace (des antibiotiques). Mais chaque année, les autorités malgaches enregistrent entre 400 et 600 cas de cette maladie médiévale, le plus souvent entre septembre et mars. Madagascar étant un des pays les plus pauvres du monde, le principal problème reste les mauvaises conditions hygiéniques, subies par une grande partie de la population.

Cette année pourtant, les autorités rencontrent une nouvelle difficulté : les désinformations qui circulent sur les réseaux sociaux, aussi bien sur le nombre de morts que sur les modes de traitement. «Les paniques provoquées par les fausses informations sur les réseaux sociaux compliquent largement notre travail», explique la médecin de l'OMS.

Fausses infos et théories du complot

Un cas exemplaire : un homme, qui s'était créé trois comptes Facebook, a affirmé que 40 personnes étaient mortes dans un hôpital de la capitale. Juste après, de longues queues se sont formées devant les pharmacies pour acheter des masques et des antibiotiques. Selon des journaux locaux, le quadragénaire a été arrêté lundi pour «cybercriminalité». «Depuis cette histoire, ça s'est un peu calmé sur Facebook, il y a moins de fausses infos, estime Niki Fabio Andrianarivo, étudiant en communication audiovisuelle à Antananarivo. Mais il y a toujours plein de rumeurs. Tout le monde parle et chacun a sa version.» Jusqu'aux théories du complot : «J'ai vu des posts sur Facebook où des gens disaient que l'épidémie de peste était une manipulation de masse, avant les élections de 2018», témoigne Jessica Rabeson, étudiante en sciences politiques.

En juin 2017, Facebook comptait 1,3 million d'utilisateurs à Madagascar, essentiellement dans les grandes villes, soit à peu près le nombre d'utilisateurs d'Internet sur l'île. Le réseau social a lancé en 2016 un programme nommé FreeBasics qui offre un accès à Internet gratuit mais restreint. Il n'est par exemple pas nécessaire d'avoir souscrit un forfait incluant des données mobiles pour utiliser l'application Facebook sur un smartphone, mais la plupart des autres sites sont inaccessibles. Ces derniers mois, le nombre de comptes Facebook a explosé. L'intox a suivi.