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Législatives autrichiennes : Sebastian Kurz, un «Macron» ultraconservateur ?

Favori de l'élection, le leader du Parti populaire autrichien pourrait accéder à la chancellerie.
Le ministre autrichien des Affaires étrangères et chef de file du Parti populaire autrichien, à Vienne, vendredi. (Photo Joe Klamar. AFP)
publié le 13 octobre 2017 à 19h36

«Le messie noir». Ainsi l'avait surnommé le quotidien Salzburger Nachrichten au moment de sa reprise en main du Parti populaire autrichien (ÖVP, chrétien-démocrate-conservateur), traditionnellement représenté par la couleur du jais. Sebastian Kurz va devoir prouver, ce dimanche, qu'il sait effectivement marcher sur l'eau.

L’ÖVP, dont la popularité était au plus bas il y a moins d’un an, est désormais en tête dans les enquêtes d’opinion. Le parti ne doute plus d’être en position, à l’issue des législatives, d’installer leur chef à la chancellerie. Avec ses 31 ans et ses promesses de renouveau par la droite, le jeune ministre des Affaires étrangères semble effectivement ne rien avoir à craindre, alors que le chancelier social-démocrate, Christian Kern, doit disputer la deuxième place à l’organisation d’extrême droite FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), après une campagne pavée de ratés.

Sebastian Kurz se présente à la tête d’une liste paritaire, ouverte à la société civile et qui porte son nom avant celui du parti. Concoctée dans la foulée de la victoire d’En marche en France (très suivie dans la république alpine), cette liste se veut la preuve que les conservateurs autrichiens constituent désormais un mouvement dynamique, et non plus ce lourd appareil de fédérations régionales, qui siège au gouvernement sans interruption depuis trente ans.

Ascension éclair

Pour cela, Sebastian Kurz a opéré quelques changements politiques, mais aussi cosmétiques (notamment en changeant la couleur du parti). Le noir, couleur traditionnelle de l'ÖVP, est devenu turquoise pâle. La campagne du charismatique ministre, à l'image de celle des autres candidats, fut concentrée non pas sur le parti et son programme, mais sur sa personnalité. «Kurz a tenté de surfer sur la vague Macron en l'appliquant à l'Autriche, dit le politologue Oliver Gruber. Il a essayé de faire du neuf avec un vieux parti.» Sur le fond, en revanche, les différences sont notables. «En surface, il semble jouer sur les mêmes éléments que Macron, note la politologue Kathrin Stainer-Hämmerle. Mais pas du tout en matière de contenus ni d'objectifs stratégiques. Macron a gagné grâce au rejet de l'extrême droite, alors que Kurz envisage une coalition avec le FPÖ.»

Sur le Danube, point d'ENA. L'ascension éclair du Viennois dans l'appareil partisan ne lui a même pas laissé le temps de finir ses études de droit. Chef de l'organisation de jeunesse, élu dans la capitale, secrétaire d'Etat à l'Intégration… En 2013, il atteignait déjà le ministère des Affaires étrangères à 27 ans. A ce poste, il s'est fait connaître en Europe comme l'artisan de la fermeture de la route des Balkans et pour son soutien de l'autoritaire Premier ministre hongrois, Viktor Orbán. Sa ligne dure sur les réfugiés et ses critiques envers la Turquie lui ont souvent valu l'approbation de la droite de la droite et, actuellement, d'un tiers des Autrichiens. Pourquoi alors ne pas se tourner vers le FPÖ, avec qui il converge en partie en matière de politiques migratoire et économique ? Une telle alliance n'est plus taboue, pas plus qu'elle n'est inédite. Elle a déjà eu lieu en 2000 (lire ci-contre). A cette époque, un certain Sebastian Kurz rejoignait les rangs des conservateurs. S'il devient chancelier, il sera le plus jeune dirigeant européen, devant le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, 38 ans.