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Libération
Changement climatique

Les Etats membres plombent les ambitions climatiques de l'Union européenne

Les ministres de l'Environnement ont approuvé, ce vendredi, une proposition qui leur permet de ne pas respecter les engagements pris lors de l'accord de Paris sur le climat.
Des centrales au charbon à Bottrop, dans l'ouest de l'Allemagne, plus gros émetteur de gaz à effet de serre en Europe. (Image d'illustration) (Photo Patrik Stollarz. AFP)
publié le 13 octobre 2017 à 18h29

L'Union européenne, qui s'était pourtant affichée comme leader lors de la conclusion de l'accord de Paris en décembre 2015, tient deux ans plus tard un double discours. Vendredi, les ministres de l'Environnement des Etats membres se sont réunis au Luxembourg pour trouver un consensus sur un pan majeur de la politique climatique européenne : la régulation du partage de l'effort (ESR). Derrière ce nom technique se cachent les engagements politiques pour réglementer 60% des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'UE (agriculture, transports, bâtiments, gestion des déchets). Les autres 40% sont couverts par le marché carbone (ETS) dont le dysfonctionnement fait l'objet d'une réforme sur laquelle le Parlement et le Conseil européen n'arrivent pas à s'entendre.

En juillet 2016, la Commission européenne a proposé un brouillon pour la répartition de cet effort. Cette proposition, qualifiée de largement insuffisante par plusieurs ONG et par le Parlement européen, a été légèrement modifiée par la présidence estonienne du Conseil, puis adopté par les représentants des gouvernements européens vendredi. «Avec ce texte, les objectifs climatiques de l'UE, qui sont déjà eux-mêmes insuffisants pour respecter l'accord de Paris, ne pourront être atteints, explique Neil Makaroff, responsable Europe au sein du Réseau action climat. La Commission européenne offre aux Etats des techniques d'évitement qui leur permettront de ne pas tenir leurs engagements.»

«La France a eu une position très confuse»

Cette proposition donne la possibilité notamment aux pays de fixer leurs objectifs sur une base de calcul surévaluée. Il est plus simple d'effectuer une baisse donnée si on part d'un point de départ plus élevé. Certains Etats – l'Allemagne, la Suède et le Luxembourg – ont essayé de pallier cette faille. Ainsi ces trois Etats ont demandé, vendredi, à ce que les émissions réelles soient prises en compte. Sans succès. «La France a eu une position très confuse: Nicolas Hulot a dit être favorable à la proposition allemande, mais ne l'a pas vraiment soutenue lors de l'adoption finale», regrette Neil Makaroff.

«Le Conseil sur l'environnement a débuté sur l'ESR européenne. L'Allemagne soutient des ambitions plus hautes en modifiant la base de calcul.» - Jochen Flasbarth, ministre fédéral de l'environnement allemand. 

Le texte de la Commission a une autre faille majeure : il donne la possibilité aux Etats qui ne respectent pas leurs objectifs de compenser leurs manquements avec les crédits carbone non utilisés sur le marché européen (ETS). Des crédits carbone qui sont justement en bien trop grand nombre et fixent un prix de la tonne de CO2 à environ 5 euros. Ce dysfonctionnement du marché européen est justement à l'origine de la réforme en cours.

Une baisse de 23% seulement ?

D’après la Commission, la régulation du partage de l’effort est censée permettre une réduction de 30% des émissions européennes des GES d’ici 2030. Seulement, avec les failles permises par le texte approuvé vendredi, la baisse ne serait que de 23%. Une différence importante, alors que l’urgence climatique nécessite de contenir la hausse des températures mondiales à au moins 1,5°C d’ici la fin du siècle.

Du côté du ministère de la transition écologique, on salue, dans un communiqué: «ce compromis [qui] est une bonne nouvelle, il démontre notre détermination à inscrire dans le droit de l'Union européenne les engagements pris lors de la COP21, (...) alors que certains de nos partenaires s'attaquent aux politiques climatiques». Pour autant, «la France est consciente que l'UE doit encore faire plus, parce les objectifs que nous avons collectivement adoptés à Paris ne sont pas suffisants pour nous permettre de maintenir le réchauffement de la planète en-dessous de 2°C», ajoute le ministre Hulot.

Maintenant que les Etats membres ont approuvé ce texte, il sera sujet à discussion avec le Parlement européen, qui a déjà appelé à plusieurs reprises à rehausser les ambitions en matière de lutte contre le changement climatique. «Cette discussion pourrait aller très vite, car l'UE veut arriver à la COP 23 à Bonn, le 6 novembre, avec un accord à présenter, détaille Neil Makaroff. Mais est-il mieux d'arriver avec un texte insuffisant au regard de l'accord de Paris, ou avec aucun texte ?»