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Diplomatie

Les grandes puissances inquiètes du retournement américain sur l'accord iranien

Les autres pays signataires de l’accord, ainsi que l’UE, appellent Washington à distinguer ses griefs envers Téhéran du dossier nucléaire.
Le président américain Donald Trump, le 13 octobre, à Washington DC. (Photo Brendan Smialowski. AFP)
publié le 13 octobre 2017 à 20h36

«L'accord n'appartient pas à un seul pays et l'ensemble de la communauté internationale y est engagé.» La formule de la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, Federica Mogherini, résume la position commune des autres puissances signataires de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Avant même l'annonce de Donald Trump ouvrant la voie à une dénonciation prochaine de l'accord par les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont tous exprimé leur attachement à un texte signé après des années de négociations et validé par un vote unanime du Conseil de sécurité.

«Alignés»

Appels à la raison et mises en garde se sont multipliés depuis vendredi depuis les différentes capitales concernées. «Des actions de ce genre vont assurément affecter la prévisibilité, la sécurité, la stabilité et la non-prolifération dans le monde entier», a affirmé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. «Nous espérons que toutes les parties continueront à préserver et à mettre en œuvre cet accord», a déclaré pour sa part la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying. Rappelant la contribution de la France et son vocabulaire «pour aboutir à un instrument solide, robuste et vérifiable, garantissant que l'Iran ne se dotera pas de l'arme nucléaire», la porte-parole du Quai d'Orsay, Agnès Romatet-Espagne, a réitéré le souhait d'une «pleine mise en œuvre de l'accord par toutes les parties». Les trois signataires européens (France, Allemagne et Royaume-Uni) «sont totalement alignés sur la même position», assure une source française proche du dossier. Les diplomates des trois pays sont en contact permanent ces derniers jours par visioconférence. Leurs ambassadeurs respectifs à Washington ne cessent depuis un mois de travailler ensemble, surtout auprès du Congrès, pour faire valoir l'importance de l'accord.

«Le choix stratégique est de se concentrer sur le dossier nucléaire» en le dissociant des autres sujets de discorde, souligne la source française. Il s'agit pour les Européens, qui ne cachent pas leur préoccupation, de convaincre les Etats-Unis de ne pas mélanger le nucléaire et la longue liste de leurs griefs à l'égard de l'Iran. Parmi les arguments à charge du département d'Etat américain : «soutien matériel et financier au terrorisme» et à «l'extrémisme» ; aide au régime syrien de Bachar al-Assad et «atrocités contre le peuple syrien» ; rôle «déstabilisateur» dans plusieurs autres pays (soutien au Hezbollah au Liban, aux rebelles Houthis au Yémen…) ; «hostilité acharnée à l'égard d'Israël» ; cyberattaques ; violations des droits de l'homme et développement de missiles balistiques. «L'accord ne représente qu'une partie des nombreuses questions que nous devons gérer s'agissant de notre relation avec l'Iran», explique ainsi le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson.

«Le pire»

C'est au contraire le maintien de l'accord nucléaire qui peut donner de la latitude pour faire pression sur l'Iran dans la gestion de dossiers régionaux ou sur la question des armes balistiques, insiste-t-on à Paris. En phase avec la cheffe de la diplomatie européenne. «Pour une fois, nous avons un accord qui marche et le pire serait de le démanteler, parce que ce serait un très mauvais message au reste du monde», martèle Federica Mogherini.