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Libération

Un double attentat ensanglante Mogadiscio, les regards se tournent vers les shebab

L’attaque de samedi dans la capitale somalienne, la plus meurtrière de l’histoire du pays, témoigne de la persistance du pouvoir de nuisance des shebab, malgré un recul sur le terrain.
Après les deux explosions dans le centre de Mogadiscio, samedi. (PHOTO Mohamed ABDIWAHAB. AFP)
publié le 15 octobre 2017 à 20h46

Une fois de plus, Mogadiscio a été le théâtre de scènes sanglantes : samedi, deux camions piégés ont décimé, à deux heures d’intervalle, deux quartiers populaires de la capitale somalienne. Le bilan, qui s’est alourdi au fil des heures, fait de ces attentats les attaques les plus meurtrières de l’histoire pourtant déjà sanglante du pays : au moins 231 morts et 275 blessés, selon le dernier bilan diffusé par l’agence AP.

Les images des quartiers de PK5 et de Medina qui circulaient ce dimanche sur les réseaux sociaux évoquent des scènes de guerre et soulignent l’impact incroyable des déflagrations qui, cette fois-ci, n’ont pas visé les lieux emblématiques du pouvoir ou ceux qui accueillent les représentants de la communauté internationale. Même si les attentats n’ont pas encore été revendiqués, les auteurs en sont d’ores et déjà désignés : tous les regards se tournent vers la nébuleuse des shebab («les jeunes» en arabe) qui, après avoir perdu le contrôle de la capitale en 2011, gardent sous leur coupe de vastes zones rurales et démontrent régulièrement leur pouvoir de nuisance.

Fusion. L'an passé, les attentats attribués aux shebab avaient provoqué la mort de 4 281 personnes. Cette année, cette organisation, divisée en factions rivales et qui revendiquerait 5 000 combattants, a réussi à poursuivre son œuvre de terreur. Mi-juin, en plein ramadan, un commando de six personnes a attaqué deux restaurants à Mogadiscio, tuant 19 civils et 5 membres des forces de sécurité. En janvier, une double attaque contre un hôtel du centre de Mogadiscio a fait 28 morts. Début mai, les shebab ont aussi revendiqué un attentat à la voiture piégée contre un café de la capitale.

Comment se débarrasser des shebab ? La création de cette mouvance, affiliée à Al-Qaeda depuis 2012 et désormais composée de factions dont certaines souhaiteraient le rattachement à l’Etat islamique, remonte au milieu des années 2000, avec la fusion de plusieurs groupes islamistes somaliens qui s’étaient un temps emparés d’une capitale déjà ravagée par dix ans de guerre civile. Chassés du pouvoir en 2011 avec l’appui de l’Amisom, la force mise en place par l’Union africaine, les shebab ont certes perdu du terrain. Leur chef, Ahmed Abdi Godane, a d’ailleurs été tué par un drone américain en 2014. Et aussitôt remplacé par Ahmed Umar Abou Oubaida. Mi-août de cette année, les forces spéciales somaliennes se sont félicitées d’avoir exfiltré le numéro 2 et ancien porte-parole du mouvement, Mukhtar Robow alias Abou Mansour, l’un des rares leaders somaliens à avoir rencontré Oussama ben Laden en Afghanistan.

Conclave. Pourtant, ni ce ralliement ni le renforcement récent de l'aide militaire américaine, avec au moins deux opérations conjointes au sol de commandos US, ne semblent venir à bout de la puissance mortifère des shebab. Fin juillet, le gouvernement somalien a également annoncé son intention de punir toute aide apportée aux islamistes par les commerçants somaliens qui pourraient voir leurs biens confisqués s'il est prouvé qu'ils se sont rendus dans les bastions des shebab. Reste à savoir comment assurer la sécurité de ceux qui sont soumis à leurs rackets. Et une fois de plus, l'impuissance semble s'imposer pour le gouvernement du président somalien, Mohamed Abdullahi Mohamed, alias Farmajo, élu au début de cette année par une sorte de conclave de «grands électeurs», tant un scrutin démocratique ouvert à tous semblait impossible à organiser pour des raisons de sécurité.

Confrontée à une violence récurrente depuis 1991, date de la chute du dictateur Siad Barré, la Somalie reste l’un des points chauds les plus inquiétants sur une carte africaine gangrenée par les mouvements jihadistes, de la zone sahélienne jusqu’à la région du lac Tchad, proche du Nigeria. Les liens entre ces différents mouvements n’ont jamais été démontrés mais leur enracinement, malgré les actions multilatérales menées contre eux, reste une constante inquiétante.