«Ce n'est pas seulement le Premier ministre qui a créé les conditions pour l'assassinat de ma mère. Beaucoup d'autres personnes sont complices», a attaqué sur Facebook Matthew Caruana Galizia, le fils de la journaliste maltaise Daphne Caruana Galizia tuée dans l'explosion de sa voiture, lundi. «Ma mère a été assassinée parce qu'elle s'est dressée entre la règle de droit et ceux qui voulaient l'enfreindre, comme beaucoup de journalistes, a posté le membre du Consortium international de journalisme d'investigation. Mais elle a aussi été visée parce qu'elle était la seule personne à le faire. C'est ce qui arrive quand les institutions d'un Etat sont inaptes : la dernière personne à rester debout est souvent un journaliste. Ce qui en fait la première personne à mourir.»
Société écran. L'an dernier, en plein scandale des Panama Papers, Daphne Caruana Galizia avait été en première ligne des révélations sur les sociétés offshore détenues par Keith Schembri, le chef de cabinet du Premier ministre travailliste maltais, Joseph Muscat, et par le ministre de l'Energie, Konrad Mizzi.
Cette année, au mois d’avril, elle avait cette fois accusé la femme de Muscat d’être la bénéficiaire d’une société-écran domiciliée au Panama, sur les comptes de laquelle 1 million de dollars (environ 850 millions d’euros) auraient été versés par la fille du président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev. Le couple Muscat avait nié, accusant la journaliste d’avoir été manipulée par une lanceuse d’alerte russe. La justice n’en avait pas moins ouvert une enquête, et le gouvernement maltais avait convoqué des législatives anticipées - remportées en juin par les travaillistes.
«Je n'oublierai jamais quand, courant autour de ce brasier infernal dans le champ, j'ai essayé de trouver un moyen d'ouvrir la portière, le klaxon de la voiture hurlant toujours. J'ai crié à deux policiers venus avec un seul extincteur de l'utiliser. Ils m'ont fixé. "Je suis désolé, il n'y a plus rien à faire", m'a dit l'un d'eux. J'ai regardé au sol et il y avait des morceaux de ma mère partout autour de moi. J'ai alors réalisé qu'ils avaient raison, c'était sans espoir», poursuit le fils de la journaliste, décrivant le peuple maltais comme «en guerre contre l'Etat et le crime organisé».
Hommage. Lundi soir, des milliers de personnes s'étaient spontanément rassemblées, bougies à la main, à Sliema, près de La Valette, pour une veillée en hommage à la journaliste. Mardi, des rassemblements ont de nouveau été organisés, notamment devant la cour de justice de Malte(photo).
«Cet escroc de Schembri était au tribunal aujourd'hui, plaidant qu'il n'est pas un escroc» : le titre du dernier billet publié lundi à 14 h 35 par Daphne Caruana Galizia sur son «carnet» en ligne, Running Commentary, résume bien son style offensif. Une demi-heure plus tard, la journaliste et blogueuse de 53 ans était tuée.
En décembre, la version européenne du magazine Politico la classait parmi les «28 qui font bouger l'Europe». Et la décrivait comme «un WikiLeaks à elle toute seule, en croisade contre l'opacité et la corruption à Malte».