Dès l’ouverture des guichets vendredi, des files d’attente se sont formées devant les principaux établissements bancaires de Catalogne. Il ne s’agissait pas de petits épargnants affolés par le départ (pour le moment plus symbolique que réel) d’entreprises de la région, qui fuient l’insécurité juridique liée à une éventuelle déclaration d’indépendance. Mais d’une action militante de l’aile gauche du camp indépendantiste : punir, par des retraits d’argent, les banques ayant annoncé le transfert de leur siège ailleurs en Espagne.
La consigne émanait d'Omnium Cultural et de l'Assemblée nationale de Catalogne, deux mouvements de la société civile dont deux dirigeants sont emprisonnés à Madrid, accusés par la justice d'avoir fomenté la désobéissance contre les lois du Royaume et sa Constitution. Elle n'a pas eu, semble-t-il, de réelle portée économique, et les files d'attente ont vite été résorbées. L'initiative a en outre été désavouée par le ministre de l'Economie du gouvernement régional (indépendantiste, donc), qui l'a qualifiée de «but contre son camp».
Pendant ce temps à Madrid, la tension montait avec l’annonce par le PSOE (parti socialiste) de la convocation d’élections régionales en Catalogne pour le mois de janvier. La formation dirigée par Pedro Sánchez a ainsi bousculé l’agenda : pour décréter ce scrutin, l’Etat central doit d’abord appliquer l’article 155 de la Constitution, qui permettra à Madrid d’assumer directement certaines des compétences dévolues à la région. Ce samedi, le Conseil des ministres devrait donner son feu vert. La mesure sera ensuite discutée au Sénat, vendredi prochain, et adoptée puisque le Parti populaire de Mariano Rajoy détient la majorité de la Chambre haute. Qui devra en outre fixer le périmètre d’intervention dans les institutions gérées par Barcelone. Et c’est seulement une fois le Parlement régional mis hors la loi que le chef du gouvernement pourra convoquer de nouvelles élections.
Carles Puigdemont a menacé de proclamer unilatéralement l'indépendance si l'Etat central dégainait l'article 155. Il peut le faire dès le samedi 28 octobre, après le vote du Sénat, ou trouver une nouvelle astuce pour différer le moment de vérité. Le retour aux urnes, dans la situation de blocage actuel, est jugé par les deux camps comme l'unique issue possible. C'est aussi un jeu à pile ou face. Rajoy verra sa position très affaiblie si les indépendantistes l'emportent à nouveau, comme en 2015. Les sécessionnistes, de leur côté, transformeront l'élection en plébiscite pour ou contre la «déconnexion», rééditant cette fois-ci de façon légale et dotée de garanties démocratiques le référendum du 1er octobre. Mais pour cela, il faudra qu'ils acceptent une règle du jeu qui leur est imposée.