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A Moscou, une journaliste attaquée au couteau dans les locaux de sa radio

Tatiana Felguengauer, rédactrice en chef à l'Echo de Moscou, a été poignardée à la gorge par un homme rapidement maîtrisé. Ses jours ne sont pas en danger.
Dans les locaux de l'Echo de Moscou, lundi. Tatiana Felgengauer est représentée à droite sur la photo. (Photo Vasily Maximov. AFP)
publié le 23 octobre 2017 à 18h46

Un peu avant 13 heures ce lundi, un inconnu s'est introduit dans les locaux de la radio Echo de Moscou, dans le centre de la capitale russe. Pour neutraliser l'unique gardien, qui surveille passivement les allées et venues des employés et visiteurs de ce vieux gratte-ciel soviétique, l'homme l'a aspergé de gaz lacrymogène. Arrivé au 14e étage, il s'est précipité dans les locaux de la radio, s'est approché de la journaliste Tatiana Felguengauer, «sans bruit et sans cris», il «l'a enlacée», racontent les témoins, et lui a planté un couteau dans la gorge.

Selon des photos qui ont rapidement été diffusées sur les réseaux sociaux par les collègues de Felguengauer, l'agresseur a été plaqué à terre par les agents de sécurité de la radio, puis remis à la police. La journaliste, en état de choc mais consciente, a été transportée à l'hôpital pour une intervention chirurgicale urgente. «Son état est grave, mais stable», sa vie n'est pas en danger, a précisé le rédacteur en chef d'Echo de Moscou, Alexei Venediktov, sur Twitter.

Rédactrice en chef adjointe, Tatiana Felguengauer, 32 ans, est une journaliste réputée, animatrice d’émissions populaires, et engagée dans la contestation anti-Kremlin. La radio Echo de Moscou, première station libre née en 1990, controlée depuis 2001 par le groupe public gazier Gazprom, reste l’un des rares médias russes qui peuvent encore diffuser des points de vue indépendants et échapper à la censure qui domine le paysage médiatique russe.

Ni le mobile, ni l'identité de l'assaillant n'ont été officiellement confirmés, mais la police a ouvert une enquête pour «homicide volontaire». Quelques médias officiels ont mentionné la «haine personnelle» comme possible motif, mais aussi «les réponses incohérentes» de l'assaillant lors d'un premier interrogatoire.

Le portail Life news, proche du pouvoir et réputé pour ses «scoops» car maqué avec la police, a fait rapidement circuler le nom de Boris Grits. Sur un blog tenu par un auteur du même nom, les journalistes russes ont effectivement trouvé des entrées haineuses contre Tatiana Felguengauer, avec laquelle Grits dit entretenir «une relation télépathique». Il accuse la journaliste de «harcèlement sexuel» et menace : «Dans quelques jours j'arrive à Moscou, si cela ne s'arrête pas, les conséquences peuvent être très désagréables.» Boris Grits, qui écrit le site d'infos Meduza, serait un prof de physique russe émigré en Israël au début des années 90, en difficulté professionnelle ces dernières années.

Les journalistes et animateurs d'Echo de Moscou disent recevoir des menaces régulières par texto et sur les réseaux sociaux. «Des gens pas très équilibrés, nous essayons de pas y faire trop attention», précise Alexandre Pliouchev, le co-animateur de la matinale de Tatiana Felguengauer. Même si pour l'instant tout porte à croire qu'il s'agirait d'un acte de folie, Echo de Moscou dénonce le climat de haine généré par la propagande des médias d'Etat. Ainsi, la chaîne Rossiya 24 a diffusé deux «reportages» en deux mois, accusant la radio, et Tatiana Felguengauer personnellement, d'être à la solde du département d'Etat américain.