Beaucoup d’agriculteurs avertissent que la suppression du glyphosate leur coûterait trop cher, ainsi qu’aux consommateurs. Pourtant, rien n’est moins sûr, une fois toutes les variables prises en compte.
Combien cela coûterait-il aux consommateurs ?
Le glyphosate est utilisé dans la quasi-totalité des cultures, et concerne donc beaucoup de produits alimentaires. Comme l'explique Gérard Michaut, président de l'Agence bio et lui-même céréalier passé à l'agriculture biologique il y a dix-huit ans : «Une suppression du glyphosate n'aurait quasiment aucun impact sur les prix à l'achat. C'est un produit de confort pour les agriculteurs. Une suppression implique surtout plus de travail pour nous.» Mais que se passerait-il si, au-delà du seul glyphosate, plus aucun pesticide n'était utilisé ? «On arriverait à une hausse de 15 % des prix pour les consommateurs en moyenne, explique Harold Levrel, professeur à AgroParisTech. Mais c'est sans prendre en compte les coûts socio-environnementaux de l'utilisation des pesticides.» D'après une étude de l'Institut technique de l'agriculture biologique de 2016, la pollution de l'eau par les produits phytosanitaires aurait un coût de 300 euros par hectare par an. Auxquels s'ajoutent les coûts liés à la mortalité de la faune (78 euros par hectare et par an) et ceux provoqués par la toxicité chronique pour l'homme, notamment les cancers (141 euros/ha/an). «Finalement, pour la société, la différence de coûts pourrait être nulle, voire en faveur du bio», ajoute Harold Levrel.
Ce sera tout de même aux consommateurs de mettre la main au portefeuille pour payer les produits bio plus onéreux, même s'ils sont moins dangereux pour leur santé et celle des agriculteurs. «Nous devons accepter de payer plus cher notre nourriture, tranche l'agroéconomiste Bruno Parmentier. Actuellement, les prix sont bien trop bas et ne couvrent pas les coûts de production. Nous devons retrouver des prix justes. Et l'UE doit nous y aider par un plan ambitieux.»
Autre idée reçue : les produits bio ne sont qu'à la portée des plus riches. Il existe plusieurs moyens d'en trouver à moindre coût : se rendre au marché, acheter en vrac, cuisiner des aliments bruts plutôt que des plats préparés, acheter directement aux producteurs, etc. Le plus efficace reste de changer ses habitudes alimentaires. Pour répondre aux besoins de la planète en 2050, «on devra trouver dans nos assiettes deux fois moins de viande et de produits laitiers que dans celles de 2010. Il y aura aussi moins de sucre et plus de légumes, de céréales, de légumineuses, de fruits et de fruits à coque», selon un rapport de l'institut Solagro.
Combien cela coûterait-il aux agriculteurs ?
On le sait, la FNSEA est opposée à l'arrêt du glyphosate. Du moins à court terme, tant que la science n'aura pas trouvé de substitut équivalent. «L'interdiction de l'herbicide coûterait 2 milliards d'euros par an aux agriculteurs français», prix d'achat du pesticide déduit, affirme Eric Thirouin, le secrétaire général adjoint du syndicat. Pour les instituts spécialisés, le coût atteindrait 967 millions d'euros par an pour les producteurs de grandes cultures, essentiellement les céréales, et environ un milliard d'euros par an pour les viticulteurs. En cause : d'une part, la baisse des rendements parce que «la gestion des mauvaises herbes va être moins efficace», explique Thirouin. D'autre part, «ceux qui ne labourent pas vont devoir à nouveau s'équiper et avoir recours à davantage de main-d'œuvre. Et il va falloir acheter d'autres herbicides qui seront moins efficaces et plus coûteux». Du côté de la Coop de France, qui regroupe plus de 3 000 entreprises coopératives du monde agricole, on prône «un renouvellement pour quelques années» et, parallèlement, «une mobilisation en termes de recherches de solutions alternatives. Pour que l'on ne nous laisse pas tous seuls au milieu du gué, souligne Pascal Viné, délégué général de ce syndicat. Le glyphosate est un outil inclus dans nos modes de production. Sans lui, un rendement en baisse impliquerait des chiffres d'affaires moindres.» Harold Levrel a, lui, sorti sa calculette. Verdict : «Au niveau européen, les dépenses des producteurs pour les produits de protection des cultures sont estimées à 150 euros par hectare dans le conventionnel et à 50 euros par hectare dans le bio.» Il le reconnaît : «Un abandon du glyphosate entraînerait une baisse des rendements de 25 % à 30 %. Mais cette baisse serait compensée par des prix du bio 30 % supérieurs à ceux du conventionnel sur les marchés mondiaux. Et ce chiffre prend en compte une marge plus élevée pour l'agriculteur.»