Le 19e Congrès du Parti communiste chinois (PCC) s'est officiellement terminé, mardi, à Pékin, sur les notes de l'Internationale et avec une double consécration pour son secrétaire général, le «camarade» Xi Jinping. Non seulement sa «pensée» sur le «socialisme à la chinoise de la nouvelle ère» est entrée dans les statuts du Parti, mais elle est de surcroît associée à son nom, écrit noir sur blanc et à jamais dans la charte de la plus grande organisation politique au monde. A 64 ans, le président chinois rejoint ainsi Mao Zedong et Deng Xiaoping au panthéon des plus grands dirigeants de la république populaire de Chine. Et cela cinq ans seulement après son arrivée au pouvoir, fin 2012.
«Dernier acquis de la sinisation du marxisme», la pensée de Xi Jinping va immédiatement servir de «guide d'action» aux 89 millions de membres du PCC, selon les termes de la résolution «adoptée à l'unanimité», mardi, par les 2 300 délégués du Parti, réunis dans l'énorme auditorium du Palais du peuple, place Tiananmen. En quelque sorte, Xi Jinping devient immortel.
Très concrètement, cette double canonisation implique que son nom et sa contribution philosophique au «socialisme à la chinoise» seront désormais cités dans tous les discours politiques majeurs. Notamment ceux que prononceront les prochains secrétaires généraux du PCC et les futurs Premiers ministres du pays. Dans les écoles, des générations d'enfants à travers la Chine étudieront également le contenu de sa «pensée». Enfin, toute critique contre Xi Jinping pourra être interprétée comme une critique contre le PCC lui-même.
«Loin d’être un intellectuel»
La décision est historique et auréole Xi Jinping d'un prestige inégalé. Avant lui, seuls Mao Zedong (1949-1976) et, à titre posthume, Deng Xiaoping (1978-1992), avaient pu entrer dans la charte du Parti. Le premier au nom de sa «pensée», le deuxième pour sa «théorie» d'ouverture au marché et au monde extérieur. Pourtant, «Xi Jinping est loin d'être un intellectuel», rappelle Willy Lam, politologue réputé à l'université chinoise de Hongkong. «Ce n'est pas un mordu de théorie politique, contrairement à Mao et à Deng Xiaoping.»
Quant aux deux prédécesseurs de Xi Jinping, Jiang Zemin (1989-2002) et Hu Jintao (2002-2012), ils ne figurent qu'indirectement dans le marbre du PCC. Leurs apports théoriques respectifs (à savoir la «pensée importante de la triple représentation», c'est-à-dire sur les «forces productives progressistes, la culture d'avant-garde et les intérêts fondamentaux de la majorité de la population» pour le premier et le «concept de développement scientifique» pour le second) sont bien dans les statuts, mais les deux dirigeants, présents ce mardi aux côtés de Xi Jinping, n'ont jamais réussi à les associer à leurs propres noms. En entrant nommément dans la charte du Parti, Xi Jinping se place bien au-dessus d'eux.
Fondé en 1921, le PCC a comme socle théorique de base le marxisme-léninisme. Les «concepts», «pensées» et «théories» que laissent derrière eux les secrétaires généraux du PCC sont des aggiornamentos servant à adapter le Parti aux nouveaux enjeux et à mobiliser tout l'appareil. Ces ajouts pour la postérité donnent aussi une indication de leur pouvoir. «Le contenu de la pensée de Xi Jinping est très riche. Elle traite du Parti, de l'Etat, de l'armée, de tant d'aspects. Ces cinq dernières années, la Chine a connu des changements sans précédents, et ce n'est pas un hasard, c'est évidemment lié à cette pensée», affirme Xie Chuntao, l'un des 2 300 délégués, en costume sombre et cravate pour la plupart, venus voter à main levée les trois résolutions soumises au vote avant la courte adresse de clôture de Xi Jinping.
Sacralisé
Le 18 octobre, dans son long discours d'ouverture, le président chinois avait dévoilé pour la première fois cette «nouvelle ère». Ce jour-là, le chef du PCC l'avait définie en 14 points, commençant son explic ation par une phrase sans aucune ambiguïté, elle aussi entrée telle quelle dans les statuts du Parti : «Tout doit être placé sous la direction du Parti, que ce soit les organisations du Parti, le gouvernement, l'armée, la société civile, et quel que soit l'endroit où l'on se trouve.»
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