Note du 27 octobre à 7h05 : L'administration américaine a finalement mis en ligne, dans la nuit de jeudi à vendredi, 2 891 dossiers sur les 3 100 qui étaient prévus, le président Donald Trump ayant décidé d'un report de six mois pour ceux estimés les plus sensibles pour la «sécurité nationale». Cette demande lui a été faite par le FBI et la CIA, ce qui ne manquera pas d'alimenter à nouveau les théories du complot.
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L’histoire réserve parfois d’étonnantes coïncidences. Ce 26 octobre 2017, les ultimes archives confidentielles sur l’assassinat de John F. Kennedy devaient être rendues publiques. La date, gravée dans le marbre par une loi adoptée il y a un quart de siècle, n’a en rien été choisie par Donald Trump. Mais symboliquement, qui mieux que lui, président adepte des théories du complot, pour lever le dernier voile de secret sur une enquête ayant fait couler tant d’encre ?
Ces derniers jours, le sujet a d'ailleurs semblé beaucoup amuser – voire exciter – le lointain et improbable successeur de JFK. «La très anticipée publication des documents JFK aura lieu demain. Tellement intéressant», a tweeté mercredi Donald Trump. Un message posté, hasard ou pas, depuis l'avion présidentiel qui faisait route vers… Dallas, où le jeune dirigeant démocrate fut assassiné le 22 novembre 1963.
Étude fastidieuse
Mercredi, Air Force One s’est posé sur le tarmac du Dallas Love Field Airport, celui d’où l’appareil transportant la dépouille de Kennedy avait décollé pour un ultime voyage vers Washington.
Près de cinquante-quatre ans après l'assassinat politique le plus débattu de l'histoire des Etats-Unis, Donald Trump a donc eu un choix à faire : déclassifier ou non les quelque 3 100 documents de l'enquête jamais rendus publics. Voté en 1992, le JFK Assassination Records Collection Act prévoyait leur publication intégrale et sans censure après vingt-cinq ans, au plus tard. Mais la loi laissait la possibilité au président de maintenir certains documents secrets, si leur publication risquait de porter «préjudice aux opérations militaires, de renseignement et des forces de l'ordre, ou à la conduite des relations extérieures».
Selon les experts et historiens, prêts à se plonger dans l'étude fastidieuse de ces dizaines, voire centaines de milliers de pages, ces ultimes archives pourraient notamment embarrasser la CIA et le FBI. Beaucoup de documents «vont révéler de nouveaux détails sur l'étendue des informations volumineuses que la CIA et le FBI avaient accumulé sur Oswald dans les mois et les années précédant la mort de Kennedy», prédisait jeudi dans le Guardian Philip Shenon, ancien correspondant du New York Times et auteur d'un livre sur l'assassinat de JFK et les manquements de l'enquête.
En maintenant certaines archives secrètes, les administrations américaines successives ont sans doute cherché à protéger les agences de renseignement qui, selon plusieurs spécialistes dont Shenon, en savaient assez pour empêcher Oswald de passer à l'acte. Donald Trump, lui, se trouve dans une logique différente. «De tous les présidents depuis 1963, il est celui qui se préoccupe le moins du fait que la publication de ces documents pourrait porter atteinte à la CIA et au FBI, deux organisations contre lesquelles il est très en colère actuellement», analyse l'historien américain Michael Beschloss dans le New York Times.
Excédé par l'enquête sur l'ingérence russe dans la présidentielle de 2016 et les soupçons de collusion avec sa propre équipe, Donald Trump a plusieurs fois étrillé la communauté du renseignement. Dans son entourage, certains sont allés plus loin, accusant le «deep state» («l'état profond»), une prétendue alliance clandestine de cadres de la CIA, du FBI et du Pentagone, de chercher à saboter la présidence Trump, en faisant notamment fuiter des informations confidentielles. «Le deep state est réel, illégal et il menace la sécurité nationale», tweetait par exemple en juillet l'un des fils du Président, Donald Trump Jr.
Bâtiment sécurisé
Au-delà de leur méfiance envers les agences de renseignement, Donald Trump et certains de ses proches ont en outre cultivé les théories du complot sur la mort de JFK. Pendant les primaires républicaines, le magnat de l’immobilier avait ainsi suggéré que le père de l’un de ses rivaux, Ted Cruz, était lié à Oswald. Quant au conseiller de longue date de Trump, Roger Stone, il a publié en 2013 un livre accusant Lyndon Johnson, le vice-président de JFK, d’avoir orchestré son assassinat. Il y a quelques jours, Roger Stone a raconté avoir incité Trump à autoriser la publication des documents.
Conservés dans un bâtiment sécurisé des Archives nationales, dans le Maryland, ils représentent au total plus de cinq millions de pages. Seuls 1% des documents restaient à déclassifier. Ces trois dernières années, une équipe a été chargée de numériser les ultimes dossiers secrets en vue de leur publication sur Internet. A l’affût, sans pour autant attendre des révélations cruciales, médias, historiens et experts américains se préparent désormais à éplucher, un par un, les ultimes vestiges d’une enquête hors norme.