Les plus radicaux des indépendantistes catalans l'ont donc emporté, précipitant l'Espagne dans le chaos. En adoptant vendredi une résolution déclarant la Catalogne indépendante, le Parlement de la région s'est décidé à aller au clash. Comme si les atermoiements de Carles Puigdemont, soudain, avaient assez duré. Tout au long de ces trois dernières semaines, le dirigeant catalan a semblé zigzaguer, partagé entre raison et passion, et l'on pensait que la raison l'avait emporté, sous la pression notamment des acteurs économiques de la région, décidés pour la plupart à rallier Madrid si d'aventure Barcelone décidait de jouer cavalier seul. Mais la passion a pris le dessus et l'on ne voit pas comment le pire peut être évité. D'abord parce que les Catalans eux-mêmes sont divisés. Au Parlement, vendredi, l'indépendance n'a été adoptée qu'à une toute petite majorité, en l'absence de l'opposition qui avait quitté l'hémicycle. Ensuite parce que le chef du gouvernement espagnol est bien décidé à ne rien lâcher, soutenu par les principales capitales européennes et par les dirigeants de l'UE eux-mêmes. En décidant de placer la Catalogne sous tutelle - un acte sans précédent depuis le rétablissement de la démocratie dans le pays -, Mariano Rajoy s'engage dans un processus complexe qui risque de le pousser à faire usage de la force. Or il a pu constater au début du mois à quel point il était contre-productif d'autoriser les forces de l'ordre à faire usage de leurs matraques et de leurs armes. Il ne reste qu'à espérer que la raison n'ait pas totalement lâché l'affaire. Carles Puigdemont a appelé vendredi les Catalans «à rester sur le terrain de la paix, du civisme et de la dignité», tandis que Donald Tusk, le président du Conseil européen, appelait Madrid à «favoriser la force de l'argument plutôt que l'argument de la force». Une expression à graver au fronton de tous les lieux de pouvoir.
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