Ecrasant mais inutile. Le score du candidat Uhuru Kenyatta à la présidentielle kényane, 98,2 % selon les chiffres annoncés lundi par la très décriée Commission électorale, n'est une surprise pour personne. Son principal opposant, Raila Odinga, s'était retiré de la course électorale il y a trois semaines. Les six autres petits candidats n'ayant pas la moindre de chance de rivaliser avec le président sortant, le scrutin était joué d'avance. Odinga avait appelé ses supporteurs à rester «chez eux» jeudi, jour du scrutin.
Le boycott a été respecté : le taux de participation n’a pas dépassé les 40 %. Mais la consigne d’apaisement du vieux leader de l’opposition n’a pas été entendue : quatre comtés de l’ouest du pays acquis à Odinga ont été empêchés de voter par des violences et des attaques contre les bureaux de vote. Soit 9 % du corps électoral. Ses partisans espéraient ainsi faire dérailler le scrutin et obtenir un nouveau report, plus favorable à leur candidat.
Une première élection, qui s'était tenue le 8 août, avait été invalidée par la Cour suprême à la surprise générale en raison d'«illégalités et irrégularités». Celle de jeudi, beaucoup plus chaotique que la précédente selon les observateurs, obtiendra-t-elle l'approbation de la plus haute juridiction du pays ?
Uhuru Kenyatta a admis lundi que sa victoire «serait probablement encore une fois soumise au test constitutionnel», mais il a affirmé qu'il s'y soumettrait. Lors du vote du 8 août, les résultats proclamés par la Commission électorale lui attribuaient 54 % des voix, pour une participation de 74 % des inscrits. Au moins 50 personnes ont été tuées depuis dans les violences post-électorales, notamment au cours de la brutale répression policière visant les partisans de Raila Odinga.
Ce dernier devrait s’exprimer dans la journée de mardi, selon des responsables de Nasa, la coalition de partis qu’il dirige. Il pourrait alors indiquer s’il compte ou non contester l’élection en justice. Une nouvelle fois, le pays est suspendu à ses déclarations et à ses injonctions. S’il excite ses troupes, qui estiment déjà qu’on leur a volé le scrutin, le pays court le risque d’une nouvelle flambée d’affrontements meurtriers. S’il baisse les bras, son rival Kenyatta gouverna sans véritable légitimité. Dans les deux cas, la démocratie kényane en sortira abîmée.