Dans la fortune colossale du secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross (environ 2,5 milliards d'euros selon le magazine Forbes), c'est un grain de sable parmi tant d'autres. Mais un grain de sable qui gratte et alimente les soupçons entourant Donald Trump et certains membres de son cabinet. Selon les «Paradise Papers», Ross - surnommé le «roi de la banqueroute» pour sa propension à racheter, redresser et revendre à profit des entreprises en perdition - est l'un des principaux actionnaires d'une entreprise de fret maritime dont l'un des clients majeurs serait directement lié au Kremlin. Résumons : Wilbur Ross possède 31 % de Navigator Holdings, laquelle affrète des cargos pour des entreprises énergétiques. L'un de ses principaux clients, le géant russe Sibur, appartient notamment à l'oligarque Guennadi Timchenko, ami et partenaire de judo de Vladimir Poutine, et à Kirill Shamalov, le mari de la fille cadette du président russe.
Lorsqu'il a été choisi par Donald Trump pour prendre la tête du département du Commerce, le milliardaire Wilbur Ross a décidé de vendre nombre de ses participations financières. Mais pas celles dans Navigator Holdings, ce qui alimente aujourd'hui des soupçons de conflits d'intérêts. «En dehors des aspects légaux, je serais très préoccupé par le fait qu'un membre du gouvernement américain gagne de l'argent en faisant des affaires avec les Russes», dit au New York Times l'avocat Richard Painter, ancien responsable des questions éthiques de l'administration Bush. Un autre détail alimente la polémique : Guennadi Timchenko fait l'objet depuis 2014 de sanctions imposées par le Trésor américain après l'annexion de la Crimée par Moscou.
En déplacement à Londres lundi, Wilbur Ross a nié tout lien «répréhensible», accusant les médias de beaucoup «en rajouter». A juste titre, le ministre américain rappelle que Timchenko fait l'objet de sanctions individuelles et que l'entreprise Sibur n'est pas visée. Il affirme en outre n'avoir jamais rencontré les actionnaires de Sibur. Et assure enfin que le partenariat entre Navigator Holdings et Sibur a été négocié avant qu'il n'intègre le conseil d'administration de Navigator, en mars 2012. «Il n'y a pas d'irrégularité, et si les gens en tirent une conclusion contraire, c'est parce que les journaux ont déformé cette histoire pour en faire quelque chose de différent de la réalité», a-t-il martelé sur l'antenne de la BBC. Il n'empêche : ces révélations pourraient susciter l'intérêt du procureur spécial Mueller, chargé de l'enquête sur une possible collusion entre la Russie et la galaxie Trump lors de la présidentielle de 2016.