Ce n’est plus drôle du tout. Les gaffes, les approximations, l’incompétence dissimulée sous un vernis de citations pseudo savantes ou de blagues douteuses ne font plus rire. Souvent surnommé «le bouffon» pour sa propension à amuser la galerie, Boris Johnson, ministre britannique des Affaires étrangères, n’amuse plus grand monde. Parce que les mots ont décidément un sens et, dans un contexte diplomatique difficile, peuvent avoir un impact dévastateur.
Sa dernière sortie menace la vie d'une femme. Le 1er novembre, lors d'une audition devant un comité parlementaire, Boris Johnson a été interrogé sur la situation de Nazanin Zaghari-Ratcliffe, une Britanno-Iranienne de 38 ans arrêtée en Iran en avril 2016 et condamnée à cinq ans de prison, sans charges précises, alors qu'elle était en vacances avec sa fille de 22 mois. Gabriella, 3 ans aujourd'hui, vit à Téhéran avec ses grands-parents maternels, a oublié l'anglais et ne communique avec son père, Richard Ratcliffe, que par Skype. Sa mère a observé plusieurs grèves de la faim, souffre de dépression profonde, et sa santé en général est terriblement affectée. Richard Ratcliffe se bat, sans relâche, pour la faire libérer.
Le Foreign Office, dirigé par Boris Johnson, assurait jusqu’à présent le strict minimum, clairement gêné par la situation, alors que Nazanin Ratcliffe et d’autres binationaux emprisonnés dans la prison d’Evin à Téhéran sont sans doute utilisés pour faire pression sur le gouvernement britannique.
Devant les députés, Boris Johnson a, pour la première fois, condamné le traitement de Zaghari-Ratcliffe. Avant d'ajouter, désinvolte, que cette dernière, sur place, «enseignait simplement le journalisme à certains, d'après ce que je comprends». Or la jeune femme, qui travaille pour la fondation Thomson Reuters, n'a jamais enseigné ou pratiqué le journalisme.
Depuis cette déclaration intempestive, Nazanin Zaghari-Ratcliffe a été présentée subitement devant un nouveau juge qui l'a menacée d'un doublement de sa peine. Face à la violente polémique qui a suivi, Johnson a annoncé mardi matin avoir appelé son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, pour expliciter des «propos [qui] auraient pu être plus clairs» et demander «la libération de Nazanin Zaghari-Ratcliffe pour raisons humanitaires».
La directrice de la fondation Thomson-Reuters, Monique Villa, a salué la réaction de Boris Johnson mais a également suggéré qu'il serait peut-être «temps qu'il lui rende visite en prison […] et qu'il rencontre la famille [de Nazanin] et elle-même, pour bien comprendre la situation».
Alors que les appels à la démission se multipliaient, Johnson s'est exprimé mardi après-midi à la Chambre des communes. Visiblement gêné, il n'a tenté aucune blague hasardeuse mais il a répété qu'il s'était mal exprimé et que «le gouvernement britannique n'a aucun doute sur le fait que Nazanin Zaghari-Ratcliffe était bien en vacances en Iran au moment de son arrestation et qu'il s'agissait du seul but de son voyage». En revanche, en dépit des demandes répétées des députés, il n'a pu se résoudre à présenter des excuses pour avoir énoncé des contre-vérités. Bousculé par de violentes critiques, le ministre a fini par admettre du bout des lèvres qu'il était «désolé si [s]es propos sortis de leur contexte ou mal interprétés avaient causé une forme d'angoisse» à la famille Ratcliffe.