On peut reprocher certaines choses à Emmanuel Macron, et nous ne nous sommes pas privés de le faire dans ces pages, mais il faut lui reconnaître cette qualité majeure : il a une chance quasi indécente ! Il était au pouvoir depuis à peine deux mois que Paris remportait les Jeux olympiques de 2024, renversant la spirale de l'échec enclenchée depuis 2004 quand Lille s'était fait coiffer au poteau par Athènes. Il amorçait à peine sa première rentrée politique que les chiffres de la croissance commençaient à atteindre des niveaux que François Hollande lui-même n'espérait plus. Et il vient à peine de plonger dans le chaudron du Moyen-Orient qu'une occasion inespérée de briller et de marquer durablement l'histoire de cette région cruciale s'offre à lui sur un plateau : l'inauguration du Louvre Abou Dhabi, projet imaginé en 2006 sous Jacques Chirac et lancé peu après sous Nicolas Sarkozy. Dans l'édition du 5 novembre du quotidien The Guardian, l'historien britannique Tristram Hunt, directeur du Victoria and Albert Museum, n'hésite pas à faire le parallèle avec l'expédition organisée par Napoléon Bonaparte en Egypte pour récupérer un maximum d'antiquités égyptiennes à fin d'étude : «La roue a tourné et deux siècles plus tard, c'est la France qui offre ses trésors culturels afin qu'ils soient étudiés localement. […] Sauf que, contrairement à Napoléon qui avait utilisé la manière forte, la visite de Macron vise à déployer en douceur l'influence de la France sur le long terme.» L'avenir dira qui assoit le plus son influence sur l'autre, la culture apparaissant bien, dans ce cas précis, comme le bras armé de la politique. On espère que la chance d'Emmanuel Macron ne tournera pas et qu'il sait où il va, les Emirats n'étant pas forcément un modèle politique et sociétal à adopter. Il reste qu'à tout prendre, mieux vaut créer des liens et des réseaux avec des tableaux qu'avec des armes.
EDITORIAL
Chance
publié le 7 novembre 2017 à 20h46
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