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Libération

Enquête surprise de la CPI au Burundi

publié le 10 novembre 2017 à 20h36

«C'est vraiment une très bonne nouvelle.» Jeudi soir, l'opposant Pierre-Claver Mbonimpa joint au téléphone à Bruxelles ne cachait pas sa joie après l'annonce le jour même de l'ouverture d'une enquête par la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes contre l'humanité commis au Burundi à partir d'avril 2015.

Inlassable militant des droits de l’homme, récompensé par de multiples prix, Mbonimpa avait dû quitter le Burundi en 2015 pour s’installer en Belgique, d’où il apprendra l’assassinat de son gendre et son fils à Bujumbura, la capitale, peu après son départ. Aujourd’hui, il fait partie d’un collectif de familles de victimes qui s’est battu pour pousser la CPI à ouvrir une enquête sur les exactions massives perpétrées dans ce petit pays de l’Afrique des Grands Lacs depuis plus de deux ans.

Et les preuves ne manquent pas : la plupart des organisations des droits de l'homme ont publié depuis 2015 des rapports accablants sur la dérive criminelle du régime de l'inamovible président, Pierre Nkurunziza. Dernier en date, le rapport publié en juillet par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) évoquait «un pays au bord du gouffre» et dénonçait «les dynamiques répressives d'un régime obsédé par la conservation du pouvoir».

La CPI est une machine lourde, souvent critiquée pour sa lenteur, sans aucun pouvoir coercitif, et parfois accusée de partialité. Surfant sur la colère et la défiance exprimées par de nombreux dirigeants africains contre la cour installée à La Haye, le régime de Nkurunziza a eu beau jeu d'agiter l'accusation de «la justice des Blancs» pour justifier le retrait de son pays de la CPI, devenu effectif le 27 octobre.

Sauf que jeudi, coup de théâtre : le bureau du procureur a annoncé avoir obtenu «dès le 25 octobre», soit deux jours avant le retrait effectif, l'autorisation d'ouvrir une enquête sur les crimes commis au Burundi. Cette autorisation a été «exceptionnellement» tenue secrète, a expliqué la procureure de la CPI, Fatou Bensouda. «Afin de protéger l'intégrité de l'enquête et la vie des témoins et des victimes», a-t-elle précisé.