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En Russie, les mots secouent

«Vybory» : des «élections» pour pas grand choix

En Russie, les mots secouentdossier
publié le 14 novembre 2017 à 21h16

Au pluriel, avec un «y», il veut dire «élections». Mais au singulier, le mot vybor veut dire «choix». Choix que les Russes n'ont que très rarement, tant le processus électoral est devenu une routine aussi prévisible que caricaturale. Régionaux ou nationaux, les scrutins ressemblent davantage à des plébiscites, avec de rares surprises, pour les candidats choisis par le pouvoir ou du moins loyaux - ou, en dernier recours, pas gênants. Du reste, l'électeur n'est pas dupe, et les taux de participation sont, en règle générale, désespérément bas… ce qui pose un problème aux spin doctors du Kremlin. Le 18 mars, les Russes devront élire un nouveau président, c'est-à-dire Vladimir Poutine, qui entamera ainsi son quatrième mandat (cinquième, si l'on veut être exact, car l'intermède Dmitri Medvedev n'a pas trompé grand monde). Et même si les urnes, ça se bourre, et si l'opposition, ça se muselle, il serait tout de même souhaitable que le vote envoie un message d'amour massif à celui qui incarne à présent le pouvoir en Russie. Une formule idéale a même été définie : «70 sur 70», 70 % des voix pour le président sortant avec une participation de 70 %. Tout un programme. Sauf que, admet-on en coulisse, il est difficile de trouver un concept novateur et un programme positif pour un vétéran qui a vu naître et devenir majeure une génération entière, et qui a déjà épuisé un certain nombre de procédés aguicheurs, comme le vol avec les grues ou l'annexion de la péninsule du voisin.

A quatre mois du scrutin, Poutine n'a toujours pas officiellement annoncé sa candidature. Pour créer un faux suspense auquel personne ne croit, les autorités continuent de laisser l'opposant Alexeï Navalny faire campagne, tout en le persécutant. De toute façon, il ne pourra pas participer à la présidentielle, bien qu'il soit le seul à prendre cet exercice réellement au sérieux, en sillonnant inlassablement le pays à la rencontre des électeurs. On laisse aussi s'organiser le QG de Ksenia Sobtchak, la star qui se présente agressivement «contre tous» mais n'envisage pas de gagner. Finalement, nul besoin de se presser ni de se démener à faire campagne, puisque l'issue du scrutin est connue d'avance, admet-on sans vraiment de complexes au Kremlin. Autant dire que cette fois encore, le seul choix qu'auront les Russes, c'est de participer ou non à la mascarade.