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Compétition

Exposition universelle 2025 : comment ne pas planter sa candidature

Azerbaïdjan, France, Japon, Russie : les quatre pays désireux d’accueillir la manifestation ont été auditionnés par le Bureau international des expositions à Paris. Avec de forts risques de langue de bois et de concepts creux, l’exercice n'est pas facile.
Cédric Villani, le 12 mai. (Photo Thomas Samson. AFP)
publié le 15 novembre 2017 à 19h17

La France, on le sait, est candidate à l’accueil de l’Exposition universelle de 2025 qu’elle entend héberger dans le Grand Paris, à Saclay. Mais elle n’est pas seule. L’Azerbaïdjan, avec Bakou, le Japon avec Osaka et la Russie avec Ekaterinenburg, veulent eux aussi emporter le morceau. Tous vont devoir convaincre le Bureau international des expositions (BIE), organisation intergouvernementale qui réunit 170 pays et siège à Paris, dont la décision sera rendue en septembre 2018.

Ce mercredi, dans l’amphithéâtre de l’OCDE (elle aussi basée à Paris) les impétrants passaient un oral devant les membres du BIE, l’une des étapes du parcours de candidature. La présentation comporte des figures imposées : expliquer son thème, l’appuyer avec deux vidéos, rédiger une fiche technique et sortir de son chapeau un «ambassadeur» judicieusement choisi. Toutes épreuves non sans risques. Revue de ce qu’il faut pour les réussir.

1/ Se creuser la cervelle pour bien choisir son thème

Pas simple. Entre «Développement du capital humain, construction d'un avenir meilleur» (Azerbaïdjan), «Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain» (Japon), «Changer le monde, innovations et qualité de vie» (Russie) et «La connaissance à partager, la planète à protéger» (France), on voit qu'il faut ratisser large, fût-ce au risque de sonner un rien creux.

A la tribune, chaque patron du comité local d'organisation tente de préciser la pensée. «L'avenir meilleur» dessiné par l'Azerbaïdjan s'appuiera sur «l'observation du futur à travers le spectre de l'expérience humaine». Bon. Pour le Japon, c'est plus simple : notre «vie de demain», c'est la société 5.0 (sans doute l'addition des 2, 3 et 4.0). Chez les Russes, «changer le monde» revient à développer «des technologies pour rendre les gens heureux». OK. Quant aux Français, ils creusent, avec le mélange «connaissance» et «planète», le sillon qu'ils ont entamé à la COP 21.

2/ Surmonter l’obstacle du résumé vidéo

Chaque pays a présenté sa candidature avec deux vidéos. L’une doit expliquer le projet ExpoU du pays. Le Japon en fait un film high tech, tout en montage cut, très adapté à l’île artificielle qui doit servir de site. L’Azerbaïdjan sert un moment de promo touristique, le genre que l’on peut voir dans un avion, avec chaude voix off d’acteur américain. La Russie zappe l’étape et la France présente le bel historique de ses cinq expositions universelles qui ne datent pas d’hier, mais nous ont quand même laissé la tour Eiffel.

La seconde vidéo obligatoire, plus cérébrale, se veut pleine de l’esprit, des valeurs, de l’émotion de la candidature, bref, lourde de sens. Le Japon présente ses multiples coopérations et aides au développement dans le monde, l’Azerbaïdjan met en scène un chouette réseau virtuel de jeunes de la planète, la Russie tire les larmes avec un pauvre veuf qui revoie sa femme grâce à la 3D. La France fait dire à une dizaine de jeunes du monde entier, et dans leur langue d’origine s’il vous plaît, qu’ils veulent le projet français pour l’Expo 2025. Malin.

3/ Dégotter de surprenants ambassadeurs de la cause

Outre les techniciens du dossier, chaque pays a sorti un invité surprise de son chapeau. Pour le Japon, Joachim Rutayisire, jeune entrepreneur rwandais qui a fait toutes ses études à Osaka. Pour la Russie, c'est Ilze Liepa, danseuse étoile des Ballets russes qui vient de passer «deux incroyables semaines à danser à Ekaterinenburg». Du côté de l'Azerbaïdjan, c'est le ministre des Finances Samir Sharifov, solide gaillard à grosse moustache, qui assure. Moins glamour.

D'autant moins que la France, elle, a au contraire produit le politique le plus glamour qu'elle possède : Cédric Villani. Qui s'excuse de s'exprimer en anglais et raconte la création du mètre par deux mathématiciens en pleine Révolution française. Une «des rares réconciliations du politique et du scientifique». En gros, ce qu'il faudrait aujourd'hui pour sauver la planète.

4/ Remplir sa fiche technique sans trop faire rire

Là, un best of s'impose. Catégorie «Je tente le coup» : on lit dans la fiche France que le futur site du Village Global de l'Expo à Saclay sera «à proximité de château de Versailles» (Palaiseau-Versailles : 18 kilomètres). Catégorie «J'ai du mal à faire envie» : en Russie, Ekaterinenburg est présentée comme un «lieu géopolitique stratégique», «un centre de transports important», une «métropole industrielle moderne».

Catégorie «J'ose tout» : en Azerbaïdjan, Bakou «figure parmi les plus belles villes du monde. Ses hôtels internationaux, ses boutiques exclusives et ses excellents restaurants en font une destination attrayante». Enfin, catégorie «Je ne me rends pas compte de ce que j'écris» : au Japon, Osaka est présentée comme la ville qui a inventé «le Ramen instantané, le karaoké et le tapis roulant à sushis». En même temps, c'est universel.