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Libération
Désastre

A Athènes, la destruction par les eaux après les ravages du feu

La capitale grecque a vu déferler dans ses rues un torrent de boue mercredi. Les arbres, barrière naturelle qui protégait la ville, avaient été détruits lors des incendies cet été, laissant le passage aux inondations. Au moins seize personnes sont mortes.
A Mandra, dans le nord-ouest d'Athènes, jeudi. (Photo Angelos Tzortzinis. AFP)
par Fabien Perrier, Correspondant à Athènes
publié le 16 novembre 2017 à 19h17

A Mandra, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest d'Athènes, Efi Peppa, 26 ans, tente de déblayer l'épaisse boue marron qui a envahi son appartement. «C'est un désastre !» s'exclame-t-elle. A côté, son frère, Panayotis, 22 ans, et ses parents souscrivent. Tous ont dans les mains un balai ou une pelle et s'activent après «la terrible journée». Le rez-de-chaussée de la maison est inhabitable, maculé d'une boue marronnasse depuis mercredi matin. Un torrent de boue a alors déferlé sur Mandra et deux autres localités proches, Nea Peramos et Megare, depuis les hauteurs environnantes du mont Pateras. Depuis plusieurs jours, des pluies diluviennes se sont abattues sur la région. «L'eau venait de la montagne. De façon ininterrompue. Elle charriait des troncs d'arbre, des pierres, des voitures…» Sa voix se brise. «J'ai même vu des gens pris au piège dans leurs voitures… Il y a eu au moins seize morts», ajoute la jeune fille.

Autour d'elle, tous les habitants reproduisent les mêmes gestes : équipés de bottes et de vêtements de pluie, les traits tirés, ils balayent, déblayent, lavent. Pendant ce temps, ambulances, dépanneuses, grues sillonnent les rues de la ville. Les pompiers tentent de dégager les troncs et détritus qui jonchent les artères et font tourner les pompes pour évacuer la boue et l'eau des maisons. «C'est une catastrophe comme je n'en avais jamais vu !» déclare l'un d'eux, épuisé.

«La rivière a retrouvé son cours»

Cette catastrophe a une explication selon Athanasis Bernardis, professeur de géologie en lycée et voisin de la famille Peppa : «Avec les feux, cet été, il n'y a plus assez d'arbres dans la montagne pour capter l'eau.» Et il ajoute : «La rivière a retrouvé son cours.» C'est la rue principale de Mandra qui, il y a une cinquantaine d'années encore, en formait le lit. La mère d'Athanasis Bernardis, qui a grandi ici, apporte quelques précisions : «Ils ont d'abord construit une ou deux maisons, puis d'autres. La rivière a été bouchée. Nous avons acheté il y a trente-huit ans», se souvient-elle. A l'époque, cette région de l'Attique était en pleine expansion : raffineries, chantiers navals, ou encore petites industries s'implantaient du flanc de la montagne jusqu'à la mer. Il fallait loger les travailleurs… Quitte à fermer les yeux sur les risques naturels et au mépris des règles d'aménagement du territoire.

«C'est la nature qui reprend ses droits», veut croire Efi Peppa. Inquiète. «Qu'allons-nous devenir ?» interroge-t-elle. Panayotis Peppas précise : «J'ai 22 ans et j'ai eu du mal à trouver un travail à Vernilac. Je ne sais pas si l'usine va rouvrir.» Cette entreprise de peintures est située sur une longue avenue qui mène du centre à la mer. Elle ressemble aujourd'hui à un champ de ruines. A Vernilac, le bâtiment ressemble à une carcasse sans fenêtre et aux murs amochés. A deux pas de là, les stocks d'AB, une des chaînes de supermarchés grecs, sont eux aussi «complètement détruits à l'intérieur», d'après un habitant. Devant l'usine Johnson & Johnson, des voitures sont encastrées dans des arbres, où s'empilent les unes sur les autres, témoins de la violence du torrent qui a tout emporté sur son passage. Jusqu'aux usines qui avaient survécu à la crise économique et faisaient tourner une région ravagée au taux de chômage supérieur à la moyenne nationale (23%). Ce jeudi, le Premier ministre, Aléxis Tsípras, est venu à Mandra constater l'ampleur des dégâts. Il a déclaré une journée de deuil national. «Nous avons besoin d'aide ! Nous sommes tous seuls», déplore pourtant Efi avant de retourner nettoyer son habitation dans une ville détruite.