Et oui, pour ceux qui en douteraient, les Conférences sur le climat des Nations unies ou COP, ont continué après la COP 21 organisée à Paris, en décembre 2015 et qui a abouti au fameux accord de Paris, où 197 Etats se sont engagés à limiter la hausse des températures mondiales à «2°C voire 1,5°C». Nous en sommes donc à la 23ème COP qui s'est terminée vendredi, après deux semaines de négociations. Libération vous fait un petit récapitulatif de ce qui s'est passé dans cette antre onusienne aux innombrables acronymes propres à donner la migraine.
Les bonnes nouvelles
Des Etats-unis, pas si trolls dans les négociations
«Contrairement à ce à quoi on pouvait attendre après les déclarations de Donald Trump cette année, les Etats-Unis n'ont pas fait preuve d'obstruction dans les discussions de cette COP 23, a rassuré Barbara Hendricks, la ministre fédérale allemande de l'environnement, lors d'une conférence de presse à Bonn, vendredi. Ils ont même adopté une attitude constructive et sont restés neutres.» Constructif est un bien grand mot juge un délégué européen. «Ils sont restés distants», corrige-t-il.
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Sur la question des financements aux pays en développement, «les Américains ont bloqué mais pas plus que ce qu'ils ne le faisaient déjà sous Obama, assure Armelle Le Comte d'Oxfam France. Plusieurs pays riches en ont profité pour se cacher derrière eux et ne pas avancer.» L'Union européenne notamment. Jeudi, les représentants américains à Bonn ont, par ailleurs, envoyé un message étonnement positif (après leur sortie de l'accord de Paris sur le climat, annoncée en juin, par Trump, et l'organisation, lundi, par la Maison blanche d'une conférence provocatrice sur la nécessité du «charbon propre» et du nucléaire dans la transition écologique).
«Malgré notre position sur l'accord de Paris, les Etats-Unis vont continuer à être un leader dans l'innovation et les énergies propres, et nous comprenons la nécessité de transformer nos systèmes énergétiques, a annoncé Judith Garber, la cheffe de délégation américaine qui a remplacé au milieu de la conférence, Thomas Shannon parti «pour raisons familiales». «En résumé, les Etats-Unis veulent rester engagés avec [leurs] nombreux partenaires [...] ici, dans la Convention des Nations unies et ailleurs.» A se demander ce que va changer leur sortie de l'accord de Paris, au plus tôt en 2020. Iain Keith de l'ONG Avaaz conclut: «Grâce à une pression publique mondiale, la menace Trump a été évitée.»
Une série d’avancées circonscrites mais positives
En parallèle des discussions sur la mise en oeuvre de l'accord de Paris qui ne s'appliquera qu'à partir de 2020 et de celles sur le dialogue dit de «Talanoa», c'est-à-dire ces négociations pour arriver à une hausse des ambitions climatiques nationales dans trois ans, plusieurs avancées ont été qualifiées de «victoire» à la COP 23. Mardi, un plan d'action pour l'égalité des sexes a été approuvé, dans une COP secouée comme le reste du monde par les répercussions de l'affaire Weinstein. Début novembre, le site Climate home a publié le témoignage d'une avocate habituée des Conférences sur le climat qui y dénonce: un «environnement toxique de harcèlement, de discrimination et de risques de représailles pour celles qui élevaient la voix».
Vendredi, le Forum international des peuples autochtones sur les changements climatiques a aussi célébré la mise en place de la plateforme sur les savoirs et connaissances des peuples autochtones pour aider dans la lutte contre le bouleversement du climat. Il y a plus de 300 millions d'individus appartenant aux peuples et communautés autochtones à travers le monde, ils voient leurs terres et leurs vies directement menacées par le changement climatique. Troisième «victoire»: le déblocage après six ans de négociations infructueuses d'un groupe de travail sur la sécurité alimentaire. «Il va falloir surveiller les travaux du groupe formé pour trois ans, mais il pourrait être déterminant pour aider à repenser les systèmes alimentaires industriels dévastateurs et renforcer les mesures pour protéger l'agriculture paysanne», souligne Anne-Laure Sablé, du CCFD-Terre solidaire.
De nombreuses d’initiatives lancées dans la «zone Bonn», parallèle aux négociations
«Pour la première fois dans une COP, le coeur de l'action climatique s'est trouvé dans la zone Bonn, où l'on a pu observer une série d'initiatives positives, de la part d'acteurs étatiques, comme non-étatiques», décrit David Levaï, de l'Institut de développement durable et relations internationales (IDDRI). A souligner notamment, le lancement jeudi matin, d'une Alliance pour la sortie du charbon par le Royaume-Uni et le Canada, rejoints depuis par 25 membres, dont la France, l'Italie, les Pays-Bas et les îles Fidji (des pays où la part du charbon dans leur production nationale est déjà faible).
Pour finir avec les bonnes nouvelles: la Banque centrale norvégienne a recommandé, jeudi, au fonds souverain du pays, (le plus doté au monde avec près d'un million de millions de dollars d'actifs), de se désinvestir des énergies fossiles. Ce qu'il pourrait faire dans les mois à venir. Une avancée majeure pour la Norvège dont l'économie repose largement sur l'exploration du pétrole et du gaz et qui ne compte, pour l'instant, pas diminuer sa production.
Les moins bonnes nouvelles
Aucun leadership politique ne s’est démarqué pour remplacer les Etats-Unis
«Nous regrettons de n'avoir vu émerger aucune position de leader de la part de la France et de l'Allemagne dans les négociations, malgré leurs discours à la tribune onusienne mercredi», déplore Célia Gautier de la Fondation pour la nature et l'homme. Sarah Fayolle de Greenpeace France ajoute: «La France, sur laquelle reposaient de fortes attentes à l'international, est passée à côté du rendez-vous. A part soutenir le nucléaire, Emmanuel Macron n'a fait aucune nouvelle annonce lors de sa venue.»
De même, l'Union européenne dont beaucoup espéraient qu'elle prenne la place des Etats-Unis, aux côtés de la Chine, dans la direction des négociations, a été particulièrement absente. L'ambiguïté créée par la présence d'une délégation européenne, aux cotés de celles représentant chacun des 28 pays membres complique les discussions. «Nous espérons que lors du sommet du 12 décembre organisé par Emmanuel Macron, l'UE saura rehausser ses ambitions en matière de baisse des émissions des gaz à effet de serre et de financements aux pays en développement», déclare Pierre Cannet du WWF France.
En ce qui concerne les avancées de la Chine, les avis sont mitigés. Certains applaudissent leur leadership et leur volonté de pousser les besoins des pays en développement, d'autres soulignent que Pékin continue de bloquer certaines discussions. «Pour devenir un véritable leader, la Chine devra pousser les règles d'application de l'accord de Paris et démontrer son intention d'accroître son ambition climatique au niveau domestique», souligne Li Shuo de Greenpeace Chine.
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Les pays les plus vulnérables partent sans nouvelle annonce de financements
S'il y a un point noir -et il est d'importance- au bilan de cette COP 23, c'est le manque de financements pour l'adaptation et l'atténuation du changement climatique en faveur des pays les plus vulnérables. Alors que ces derniers n'ont que très peu participé au bouleversement de notre climat mondial. «Il y a un goût d'inachevé en cette fin de COP pour les populations du Sud, alors que la présidence fidjienne s'est heurtée pendant ces deux semaines au manque de volonté des gouvernements à avancer sur la question des financements», déplore Lucile Dufour du Réseau Action Climat. De même, Armelle Le Comte d'Oxfam regrette qu'«à de rares exceptions, les pays développés sont venus les mains vides et n'ont permis aucune avancée sur le financement notamment des pertes et dommages [ces conséquences irréversibles du changement climatique, ndlr] pour les plus vulnérables.» Seul point positif: les Etats se sont mis d'accord pour faire un point en 2018 sur l'avancée de l'enveloppe de 100 milliards de dollars par an, promise par les pays riches à partir de 2020. «On est encore très loin du compte», avertit Armelle Le Comte.
La prochaine COP 24 se passe dans une région du charbon en Pologne
Alors que tout le monde s'est accordé pour applaudir le dynamisme et al détermination de la présidence de cette COP 23 assurée les îles Fidji, la prochaine devrait s'avérer plus compliquée. C'est la Pologne et sa ville de Katowice, dans le sud du pays, qui accueillera en 2018 la 24ème conférence onusienne sur le climat. Un pays très porté sur le charbon, énergie fossile qui serait responsable de 40% des émissions de GES de la planète. C'est le gouvernement polonais qui a vidé la réforme du marché carbone européen de sa substance. C'est aussi lui qui a bloqué depuis plusieurs années la ratification de l'amendement de Doha, qui prolonge le protocole de Kyoto et pousse à plus d'actions avant 2020. Enfin, c'est la Pologne qui vient de signer d'énormes contrats d'importations de gaz de schiste en provenance des Etats-Unis. «La Pologne a le potentiel pour renforcer le dialogue entre les pays développés et en développement, analyse Aleksander Śniegocki du think tank polonais WiseEurope. Mais ce potentiel sera gâché si elle continue d'ignorer le fait évident que la politique climatique nécessite d'importantes réductions des émissions de GES nationales, et de soutenir de fausses solutions au défi climatique.» Pour éviter que les efforts menés depuis la COP 21 ne soient réduits à néant l'an prochain, les négociateurs se sont mobilisés, durant ces deux semaines, pour que la présidence fidjienne puisse garder la main sur le dialogue international tout au long de 2018, y compris pendant la COP24, en tandem avec la Pologne. Comme le résumait un délégué, vendredi: «On a une année très chargée devant nous.»
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