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Libération
Éditorial

Spectres

publié le 28 novembre 2017 à 20h36

L'homme macronien entrera-t-il dans l'histoire ? Pour Nicolas Sarkozy, qui croyait parler vrai alors qu'il déblatérait, «l'homme africain» s'en était abstenu. En prononçant son grand discours sur l'Afrique à Ouagadougou, Emmanuel Macron voulait, lui aussi, faire oublier cet impair spectaculaire et graver sa marque sur des relations si ambiguës et si souvent condescendantes. Il entrera à coup sûr dans l'histoire de la communication. En acceptant les questions de la salle, le Président a transformé un rituel bien réglé en un show improvisé qui marquera les esprits.

Sur la forme, il a fait la différence, en soulignant qu'une nouvelle génération, des deux côtés, était désormais sur le devant de la scène. Sur le fond, la rupture est moindre. «Il n'y a pas de politique africaine de la France», a dit le Président, qui n'est pas venu au Burkina Faso pour «dire aux Africains ce qu'ils doivent faire». Voire. Le spectre de la Françafrique s'estompe sans nul doute, mais les survivances sont là : les accords militaires, dont on ne sait pas s'ils ont été rompus ; l'implantation des sociétés françaises, parfois contestée ; l'existence du franc CFA, qui maintient une zone monétaire française ; une stratégie commune à cinq pays du Sahel et à la France, pour lutter contre le terrorisme. Les spectres ont la vie dure. Il est temps, à tous égards, que le souvenir de cette Françafrique sorte de l'histoire. Mais le meilleur moyen de l'expulser, pour les Africains et pour les Français, c'est de préciser par quoi elle sera remplacée. Quelles monnaies solides à la place du franc CFA ? Quels contrats équitables avec les groupes français ? Quelle stratégie de lutte antiterroriste ? Quels accords militaires garantissant l'indépendance des Etats concernés, si les armées locales, comme au Mali, résistent mal aux attaques ? Pour répondre à ces questions, un show ne suffira pas.