Richard Fricke est-il un Wutbürger («citoyen en colère») qui s'ignore ? La voix de ce garagiste de Spandau, quartier populaire de Berlin-Ouest, est douce et égale : «Passez quand vous voulez, je vous ferais le café. Mais pas dimanche, je vais acheter mes cigarettes en Pologne», prévient ce géant débonnaire. A 69 ans, il travaille toujours. Parce qu'il adore la mécanique. Et parce que sa jeunesse insouciante débouche aujourd'hui sur une retraite de 263 euros net.
Dans l'arrière-cour qui abrite le petit garage et une association culturelle turque, la vie s'étire chichement. «Pas grand-chose n'a changé pour moi ces dernières années, ni en bien ni en mal. Et à mon âge, ce n'est pas la voiture électrique et toutes ces choses qui m'inquiètent», dit celui qui ressent un gros malaise face au spectacle de la vie politique. «Coalition jamaïcaine ou élargie ? Peu importe, les politiciens s'arrangeront pour que la paix soit garantie. Mais "ils" ne savent pas ce qui se passe en bas», affirme-t-il.
Les sociaux-démocrates proposent pourtant une mesure qui pourrait l'arranger : l'introduction d'une retraite minimum universelle. «Pas question. Schulz est un idiot, lance-t-il. Sigmar Gabriel [le vice-chancelier du SPD, ndlr] serait déjà mieux. Lui au moins s'est rendu à Dresde pour tenter de parler avec les gens du [mouvement anti-islam] Pegida», glisse-t-il en admettant que s'il était allé voter, il aurait soutenu le parti d'extrême droite, l'AfD.
Surtout parce que les politiques ont besoin «d'un coup de fouet». Et nous y voilà. Toujours sur un ton sans haine. Il y a les Turcs, qui méprisent l'Allemagne qui les a accueillis, les migrants, à qui l'on donne des logements plus modernes qu'aux Allemands dans le besoin, ou encore la police allemande, forcée de maquiller les statistiques criminelles des étrangers. Richard n'a jamais eu de problème avec les réfugiés : «Mais j'ai vu tout cela à la télé», explique-t-il en ricanant sur le «on va y arriver» de Merkel. «Le gouvernement a identifié trop tard le problème des réfugiés. Aujourd'hui, je n'ai pas besoin de Merkel et compagnie», conclut-il, sans jamais parvenir à nommer les craintes qui semblent l'habiter.