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Coalition

Allemagne : «Une colère qui retombe sur les étrangers»

Directeur d’une agence d’intérim, Rolf-Bernd a voté CDU et déplore le discours antiréfugiés.
Rolf-Bernd Pelikan, agent de travail intérimaire, le 25 novembre à Berlin. (Photo Maurice Weiss/OSTKREUZ pour Libération)
publié le 1er décembre 2017 à 19h46

Le Berlinois Rolf-Bernd Pelikan est du genre à résister aux tempêtes, naturelles comme politiques. «Ce qui se passe actuellement, je ne le vis pas comme une crise. Certes, c'est un peu le bazar. Mais le gouvernement intérimaire et les institutions sont solides. Grande coalition ou gouvernement minoritaire, nous trouverons bien une solution. Quant à l'AfD, elle est au Bundestag, parce qu'il y a du mécontentement. Mais ce n'est pas la première fois que nous avons des petits partis d'extrême droite qui enregistrent quelques succès. J'espère que cela n'ira pas plus loin», affirme celui que tous ses amis appellent Khan.

Né au numéro 7 d'une petite rue du quartier industriel de Spandau à Berlin, il habite aujourd'hui au 24. Sa femme est infirmière et il n'a connu qu'une courte période de chômage qui l'a fait passer de la direction d'une usine à celle d'une agence d'intérim d'un grand groupe : «Je cherche des intérimaires pour BMW. Je suis devenu une sorte de marchand d'esclaves des temps modernes, ironise-t-il. Chez BMW, un intérimaire gagne au moins 16 euros de l'heure. Mais ailleurs, c'est plutôt 9 euros. Comment vivre avec si peu ?» critique-t-il. «Dans mon entourage, il n'y a pas d'électeurs de l'AfD. Et la grande coalition n'est pas vécue comme un problème. C'est la gestion de la question des réfugiés qui est vécue comme la question principale», explique Khan en parlant des gens en colère.

«Dans mon quartier, on trouve des ouvriers qualifiés. Pas riches, mais stables. Beaucoup d'emplois industriels ont été détruits. Alors la misère progresse et les gens sont en colère, une colère qui retombe sur les étrangers», explique celui dont les craintes se placent dans la transformation de l'être humain en objet statistique. «Dans une procédure de recrutement, un homme, c'est souvent 18 croix sur un formulaire. Alors qu'en réalité, celui qui apparait lent et pas le plus malin peut avoir des qualités sociales parfaites pour souder une équipe», explique cet optimiste indécrottable, qui a voté CDU par admiration pour Merkel. Son souhait le plus cher est sans doute partagé par nombre de ses compatriotes : que le prochain gouvernement lui offre l'assurance qu'il y a à nouveau un pilote dans l'avion.