Dans l’avion qui l’emmenait en pleine nuit vers Bruxelles, Theresa May a peut-être fermé un instant les yeux et poussé un soupir de soulagement. Tout déménagement prématuré de la Première ministre britannique est, pour le moment, écarté. Humiliée et politiquement très fragilisée lundi, Theresa May était vendredi fêtée et renforcée. Son départ précipité pour arriver à temps pour une conférence de presse à l’aube à Bruxelles avait déjà tout dit. L’accord était scellé, elle n’aurait jamais risqué une seconde humiliation en une semaine.
Au Royaume-Uni, le soulagement était palpable. Même si, officiellement, l'opinion publique britannique reste presque parfaitement divisée entre les partisans du Brexit et ceux qui souhaiteraient l'annuler, le spectacle chaotique des derniers jours commençait à inquiéter. Les ministres, les députés conservateurs, à couteaux tirés, critiques acerbes et peu discrets depuis des mois de Theresa May, dégoulinaient soudain de compliments. Le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, a tweeté ses «félicitations» . Son ancien acolyte dans la campagne pour le Brexit, le ministre de l'Environnement, Michael Gove, a salué le «succès personnel» de May. Le fait que le Royaume-Uni ait cédé sur toutes les lignes rouges de la première phase des négociations a été balayé d'un revers par ces Brexiters convaincus, pour qui le graal ultime, la sortie de l'UE, vaut bien quelques concessions, même lourdes.
Pour les opposants au Brexit, le contenu de l’accord, et notamment la terminologie délibérément vague sur le règlement de la question de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, a été salué comme un espoir pour un règlement final plus souple que ce qui est, à ce jour, avancé par Theresa May. Le Labour, dont la position sur le Brexit reste ambiguë, a salué avec tiédeur l’accord conclu.
L'idée d'un statut spécial pour l'Irlande du Nord en fait déjà frétiller plusieurs, dont les Ecossais ou le maire de Londres, Sadiq Khan, qui n'hésiteront pas, le moment venu, à réclamer aussi un régime spécial. Arlene Foster, cheffe du DUP, le petit parti unioniste nord-irlandais qui avait fait capoter les négociations lundi, s'est dite à peu près «satisfaite» de l'accord. Du côté du monde économique, le soulagement aussi était clair.
Une des seules voix dissonantes fut celle de Nigel Farage. L'eurodéputé, ex-chef du parti europhobe Ukip, s'est désormais auto-intronisé gardien du dogme du Brexit. «Tout cela est humiliant, a-t-il déclaré. Tout ce qui a été approuvé aujourd'hui va à l'encontre de ce pour quoi 17,4 millions de gens ont voté le 23 juin 2016.» Ce qui est faux. Les Britanniques n'ont répondu lors de ce référendum qu'à la question de savoir s'ils souhaitaient sortir de l'UE, mais pas comment ils voulaient la quitter.