Un acte II en demi-teinte. Après le succès de la manifestation du 2 décembre contre «la corruption» - et plus spécifiquement contre le gouvernement de Benyamin Nétanyahou -, l'opposition israélienne avait appelé à un nouveau rassemblement de masse, samedi soir à Tel-Aviv. Certes, ils étaient à nouveau des milliers (10 000 selon la presse israélienne) pour réclamer la démission du Premier ministre, mais bien moins nombreux que la semaine précédente. L'effet Jérusalem ? En une semaine, tout a changé. Trump a reconnu la ville sainte comme capitale d'Israël, une décision condamnée par la communauté internationale, mais largement appréciée par l'opinion publique israélienne, insufflant un regain de popularité bienvenue au Premier ministre, englué dans les affaires.
«Jérusalem, c'est des conneries, c'est Trump qui file un coup de main à Bibi [le surnom de Nétanyahou, ndlr] pour détourner l'attention», tente de se persuader Asaf, un startuper de 44 ans dans le cortège samedi soir. Le Likoud, le parti de Nétanyahou, a diffusé un communiqué acide condamnant «la gauche» (alors que le mouvement anticorruption se réclame apolitique), accusée de fomenter «la division» au moment où «la nation entière devrait se rallier derrière Jérusalem». Roy, 45 ans, ne veut pas entendre parler d'unité nationale. «Bibi est très bon pour changer le sujet de la discussion. Ce qui se passe dans la rue n'a rien à voir avec Jérusalem. C'est génial que notre capitale soit enfin reconnue, même si ça va nous causer un peu de souci. Mais ce soir, on est assez nombreux pour dire qu'on n'oublie pas la corruption.»
Parmi les nouveautés dans le cortège, de nombreuses pancartes en anglais. Plusieurs manifestants brandissent le slogan «Lock'em up», qui détourne le cri de ralliement des pro-Trump appelant à «enfermer» Hillary Clinton, cette fois-ci visant le «Crime Minister» (jeu de mots autour de «Prime Minister») et le député David Bitan, chef de file de la coalition entre droite et ultranationalistes à la Knesset. Bitan, vu comme l'homme de main de Nétanyahou au Parlement, est le plus ardent défenseur de la «loi des recommandations», actuellement examinée à la hâte par les parlementaires. Le texte entend interdire à la police de rendre publiques ses conclusions au terme d'une enquête visant une personnalité publique - une mesure décrite par l'opposition comme un «bouclier législatif» sur mesure pour Nétanyahou, visé par deux investigations.
Au moment où des milliers d'Israéliens appelaient à sa démission à Tel-Aviv, Nétanyahou embarquait pour la France. Il y a rencontré dimanche Emmanuel Macron, qui l'a appelé à «des gestes courageux envers les Palestiniens», comme «le gel de la colonisation et des mesures de confiance à l'égard de l'autorité palestinienne». Lundi, le Premier ministre israélien doit rencontrer les 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE, devant qui il défendra la déclaration de Trump, «si importante» à ses yeux.