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Ecologie

Sommet climat : Macron déroule le tapis vert

Deux ans après la signature de l’accord de Paris, le chef de l’Etat organise ce mardi un nouveau rendez-vous, axé sur le financement de la transition. Coup d’accélérateur ou simple outil de communication ?
Opération «Lignes rouges», qui visait à mettre la pression sur les négociateurs de la COP21, à Paris, le 12 décembre 2015. (Photo Boris Allin. Hans Lucas)
publié le 11 décembre 2017 à 19h56

Sceptique. Difficile de qualifier autrement l'attitude de la plupart des ONG françaises vis-à-vis du One Planet Summit sur le climat, organisé ce mardi près de Paris par le président français. «Ce ne doit pas être seulement de l'affichage politique, où seront recyclées des annonces, elles-mêmes déjà insuffisantes pour répondre aux objectifs de l'accord de Paris», interpelle Lucile Dufour, du Réseau Action Climat France. C'est pour l'anniversaire des deux ans de ce traité mondial signé à l'occasion de la COP 21 qu'Emmanuel Macron a décidé d'organiser ce sommet, en partenariat avec la Banque mondiale.

Le 12 décembre 2015, après des jours et des nuits de difficiles négociations, 195 pays s'étaient engagés à limiter la hausse des températures mondiales à 2°C, voire 1,5°C, d'ici 2100 (par rapport à l'époque préindustrielle). Seulement, les engagements pris par les Etats, s'ils sont respectés, nous porteraient à un réchauffement de 3,2°C à la fin du siècle, a alerté en octobre l'ONU. Un chiffre qui serait sous-estimé, selon une étude californienne sortie mercredi dans la revue scientifique Nature : si on continue au rythme actuel, il faudrait prévoir une hausse des températures de 15 % supérieure aux estimations précédentes.

«Remplir le vide»

Le One Planet Summit, dont la tenue a été annoncée seulement en juillet au G20 et qui devrait réunir plus d'une cinquantaine de chefs d'Etat, porte sur une urgence à agir. Surtout depuis que Donald Trump a annoncé, le 1er juin, la sortie des Etats-Unis de l'accord de Paris. Cette décision, largement condamnée, a permis à Macron de remplir le vide laissé par Barack Obama dans la lutte contre le changement climatique. Ou, du moins d'essayer, notamment avec le slogan «Make our planet great again» («Rendre sa grandeur à notre planète») scandé à la télévision moins de deux heures après l'annonce de Trump.

Seulement, pourquoi organiser un tel sommet trois semaines après la COP 23 qui s'est tenue à Bonn, en Allemagne ? N'est-ce pas un moyen pour Macron de s'imposer comme un leader sur le climat, au risque de faire de l'ombre au processus de négociations onusien ? Pour contrer ces critiques, l'exécutif a placé le sommet sous le signe de la finance, martelant le nouveau mot d'ordre : «Accélérer le verdissement de la finance.» S'agit-il d'appliquer une couche de peinture verte sur un système dont les dérives ont déjà coûté cher aux citoyens, comme s'inquiètent certains économistes ? Ou de réorienter vraiment les fonds financiers en faveur de la planète ?

Les attentes des ONG sont fortes concernant les annonces que pourrait faire le Président ce mardi. A Bercy, on promet qu'il n'y aura «pas de nouvelles vagues de taxations» mais plutôt «des grandes orientations politiques». Orientations que les représentants des pays du Sud, qui viennent en nombre à Paris, espèrent concrètes. Le Programme des Nations unies pour l'environnement recommande d'investir 2 % du PIB mondial dans la transition énergétique, tandis que l'Agence internationale de l'énergie estime à 2 000 milliards de dollars (1 700 milliards d'euros) le coût de la construction des infrastructures pour une économie faiblement carbonée. Les pays développés se sont déjà engagés à fournir 100 milliards par an, à partir de 2020, aux Etats les plus vulnérables. «On est encore loin du compte, prévient Armelle Le Comte, de l'ONG Oxfam. L'accord de Paris prévoit aussi un équilibre entre les financements de l'atténuation des effets du changement climatique et ceux destinés à l'adaptation. Or ce domaine est largement ignoré.»

Tourmente

Du côté du secteur financier, la France compte profiter du Climate Finance Day, qui était organisé lundi à Paris, pour s'imposer un peu plus comme «la capitale de la finance verte». Bataille qu'elle serait en train de gagner face à Londres, pris dans la tourmente du Brexit. «Nous sommes le deuxième marché mondial en termes d'émissions de green bonds [obligations censées financer des projets aidant à la lutte contre le changement climatique, ndlr] après la Chine, avec 21 % des stocks mondiaux», se félicite-t-on à Bercy. Par ailleurs, le président de la Commission européenne présentera «10 initiatives en faveur d'une économie moderne et propre» dont le but est de relever le niveau d'ambition collective de l'UE.

De nombreuses annonces sont aussi attendues de la part du secteur privé. L'assureur Axa devrait s'engager à changer son mode de fonctionnement en pénalisant les projets liés aux énergies fossiles, plus grosse source d'émissions de gaz à effet de serre au monde. Autre initiative : des coalitions d'investisseurs engagées sur le climat publieront, sous la bannière «Climate Action 100 +», une liste de 100 entreprises très émettrices, à qui elles demanderont de réduire leurs émissions et de renforcer leur reporting financier lié au climat. Ces deux jours seront, sans nul doute, l'occasion de campagnes élaborées de greenwashing, sur lesquelles alerte Armelle Le Comte : «Le volontarisme de certains acteurs privés est bien sûr louable. Mais il est difficile de vérifier la véracité de leurs engagements», alors que les activités sont souvent protégées par le secret commercial. Le directeur de WWF France, Pascal Canfin, relativise : «Le sommet met les acteurs sous contrainte, il crée un moment où il est possible de prendre des engagements qui n'auraient pas été pris sans cela.»