Elle aimait Mylène Farmer, Jean-Michel Jarre, Claude François et Beyoncé. Elle adorait le cinéma et avait orné sa page Facebook de bobines de film, en noir et blanc. Sur le ruban de la pellicule, encadré de petites étoiles, on lit son nom : Sophie Lionnet. Elle était menue, avait de jolis cheveux châtains, qu’elle portait longs et bouclés, un regard bleu-vert un peu flou. Elle avait 21 ans et, peut-être avec des rêves plein la tête, elle était arrivée à Londres en janvier 2016, comme jeune fille au pair, pour y apprendre l’anglais, s’aérer, vivre autrement. Elle y a été tuée. Le 20 septembre, la police découvrait son corps calciné dans le jardin d’une maison du quartier de Southfields, dans le sud-ouest de la capitale.
«J’ai rien fait, j’ai pas tué»
Un couple de Français, Sabrina K., 34 ans, et Ouissem M., 40 ans, ont été formellement inculpés de son meurtre et d’avoir tenté de pervertir le cours de la justice en tentant de faire disparaître son corps. Ils ont été incarcérés dans l’attente d’un procès, qui devrait se tenir le 19 mars 2018. C’est chez eux que Sophie Lionnet, originaire de l’Aube, était employée comme jeune fille au pair. Elle s’y occupait de deux enfants, un petit garçon de 6 ans, né d’une précédente relation de Sabrina K., et d’une petite fille de 3 ans.
Mardi matin, Sabrina K. a comparu par lien vidéo depuis la prison de Bronzefield, au sud de Londres, devant le tribunal de l'Old Bailey, la cour criminelle centrale d'Angleterre et du Pays-de-Galles. Elle s'y est vue signifier les chefs d'inculpation et n'a parlé que pour confirmer son identité. Ouissem M. n'a pas comparu. Le couple aurait dû, en principe, présenter sa décision de plaider coupable ou non coupable. S'ils plaidaient coupable, ce qui est peu probable, aucun procès n'aurait lieu et leur peine serait alors décidée par un juge. Lors d'une première comparution, le 26 septembre, Sabrina K. avait hurlé : «J'ai rien fait, j'ai pas tué.» Une nouvelle audience préliminaire au procès devrait se tenir en janvier 2018.
Disputes fréquentes
Ce 20 septembre, il fait plutôt doux à Londres. De la fumée s’échappe du jardin de la maison située à l’angle de Wimbledon Park Road et de Pulborough Road. C’est une maison victorienne, ornée d’une fenêtre en saillie, comme les centaines qui bordent les rues de Southfields. Comme beaucoup d’autres aussi, elle a été divisée en trois appartements. Ce quartier a longtemps été assez populaire, à quelques encablures des fameux courts de tennis et surtout des somptueux manoirs du coquet Wimbledon Village, posé en haut de la colline. En bas, à Southfields, les rues sont rectilignes, sans grand charme. Mais, depuis une dizaine d’années, le quartier se gentrifie peu à peu. Les familles avec enfants, rebutées par les prix astronomiques de l’immobilier dans le centre de Londres, y trouvent ici des maisons avec jardin. Des cafés, des boutiques ont ouvert, et de nombreux Français s’y sont installés.
La fumée qui s’échappe du jardin, et son odeur, importune les voisins qui préviennent les pompiers. Très vite, la police débarque à son tour. Elle découvre un corps calciné, à tel point qu’il faudra une dizaine de jours pour l’identifier. C’est celui de Sophie Lionnet. Le couple est très rapidement interpellé et inculpé du meurtre de la jeune fille. Que s’est-il passé derrière les murs de brique rouge de cette maison ? Les voisins parlent de disputes fréquentes, le marchand de journaux du coin confie que la jeune fille venait souvent acheter des bonbons pour les enfants, qu’elle avait l’air triste, voire mal nourrie. Certains avancent même qu’elle aurait été maltraitée. Mais pour le moment, personne ne sait.
«Je veux savoir comment ma fille est morte»
Certaines de ses amies, au pair comme elle, ont confié à la presse britannique qu’elle ne recevait pas les 56 euros par semaine que ses employeurs lui avaient promis. Une somme très modeste par rapport à ce qui est d’ordinaire proposé aux jeunes filles au pair à Londres (environ 90 euros pour 20 heures de travail hebdomadaire). Cette absence de revenus l’aurait empêchée de rentrer en France, comme elle en aurait exprimé le désir l’été dernier à ses parents divorcés.
Sabrina K. se présentait comme maquilleuse et designer de mode et ses photos sur les réseaux sociaux évoquaient un mode de vie glamour. La profession de son compagnon reste inconnue. Après un CAP petite enfance obtenu en 2014 au lycée Vauban d'Auxerre, Sophie Lionnet rêvait de son aventure londonienne. Ses premiers messages, juste après son arrivée, semblaient enthousiastes, ont confié certains de ses proches. Puis, elle a communiqué de plus en plus rarement. «Comme si elle ne voulait pas nous inquiéter», racontait sur France Bleu Auxerre sa maman, Catherine Devalloné, qui vit à Paron (Yonne). Son père, Patrick Lionnet, vit à Troyes. «Je veux savoir comment ma fille est morte», a-t-il confié à RTL. Près de trois mois après sa découverte, le corps de Sophie n'a toujours pas été rendu à sa famille, en raison de l'enquête en cours sur les circonstances de sa mort.