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Libération
Éditorial

Humanité

publié le 17 décembre 2017 à 20h56

En France ces jours-ci, les premiers de cordée ne portent pas de costard-cravate et ne grimpent pas vers les sommets le regard rivé sur la courbe ascendante de leurs dividendes. Ils sont souvent vêtus de frusques mieux adaptées au désert qu'à la glace et tentent difficilement de franchir les cols enneigés pour fuir la guerre et la misère, gagner ce qu'ils croient encore être un eldorado. En France ces jours-ci, souffle un vent mauvais que l'on croirait venu d'Autriche et de Hongrie où depuis longtemps on barre la route à des hommes, des femmes, des enfants épuisés et malgré tout déterminés à arracher au destin une vie meilleure. En France ces jours-ci, on doit se frotter les yeux pour réaliser que l'homme qui a entrepris de durcir la politique migratoire est bien le même qui, il y a quelques mois, la main sur le cœur, en appelait à «l'honneur de la France» d'accueillir les réfugiés. C'est que les élections allemandes sont passées par là, elles ont montré ce qu'il en coûte aux leaders politiques d'ouvrir grand les portes à la misère du monde. Angela Merkel a bien failli y perdre son fauteuil de chancelière et le leadership allemand tangue. La patrie des droits de l'homme ne songe donc plus qu'à fermer ses frontières et à expulser en masse. Le duo à la manœuvre a beau s'essayer à jouer le good cop (Emmanuel Macron), bad cop (Gérard Collomb), il ne fait guère illusion : quitte à renier les valeurs qui fondent la République, la France ne se laissera pas attendrir par les demandeurs d'asile. Certes, le pays ne peut accueillir tous ceux qui le réclament, mais il peut offrir un minimum d'humanité, comme le font de nombreux bénévoles en montagne. Il suffit de lire le texte poignant de la romancière rwandaise Scholastique Mukasonga, dans nos pages Idées, pour comprendre la détresse de ces fuyards. Et la richesse qu'ils peuvent nous apporter.