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Etats-Unis

«La vérité est ailleurs» : quand le Pentagone enquêtait sur les ovnis

Le «New York Times» a révélé samedi l'existence d'un programme secret du ministère de la Défense américain, chargé d'enquêter entre 2007 et 2012 sur des phénomènes aérospatiaux inexpliqués.
Un objet volant non identifié au large de la côte de San Diego (Etats-Unis) dans une vidéo révélée par le «New York Times» le 16 octobre. (DR)
publié le 17 décembre 2017 à 18h53
(mis à jour le 17 décembre 2017 à 19h47)

Novembre 2004 : une tache ovale lumineuse est repérée par deux avions de combats de l'aéronautique navale américaine au large de la côte de San Diego. «Regarde ce truc !» : dans leurs cockpits, les pilotes s'interrogent sur cet objet volant qui se meut à une très grande vitesse et pivote sur lui-même. Cette observation d'ovni, visible sur une vidéo dévoilée par le New York Times samedi, fait partie des phénomènes inexpliqués sur lesquels a travaillé entre 2007 et 2012 un programme secret du Pentagone, le ministère américain de la Défense. Révélée par le New York Times, cette cellule d'enquête, l'Advanced Aviation Threat Identification Program (soit le «programme d'identification de menace aérospatiale avancée»), avait été lancée sous l'impulsion du sénateur du Nevada Harry Reid, alors chef de file des sénateurs démocrates et grand passionné de phénomènes spatiaux. Des informations confirmées par le Pentagone dans un communiqué samedi.

De 2008 à 2011, sur les 600 milliards de dollars alloués annuellement au budget de la Défense des Etats-Unis, 22 millions sont ainsi discrètement mis de côté pour financer ce programme secret raconte le quotidien américain. La majorité de ce budget sera à chaque fois versée à un ami de Reid, le milliardaire Robert Bigelow, fondateur de l'entreprise Bigelow Aerospace. Celle-ci fut chargée de mener des recherches sur des débris d'ovnis ou de conduire des entretiens avec des personnes ayant observé ou été en contact avec ces ovnis. En 2012, les responsables de la Défense américaine ont décidé d'arrêter le financement de cette cellule pour se concentrer sur d'autres priorités.

«Une menace existentielle à notre sécurité nationale»

A la tête de ce programme depui 2007, un agent des services de renseignement militaire, Luis Elizondo. Celui-ci a démissionné début octobre face au manque d'intérêt du Pentagone. «Pourquoi ne concentrons-nous pas plus de temps et d'efforts à cette question ?» a ainsi écrit Elizondo dans sa lettre de démission adressée au secrétaire à la Défense, Jim Mattis. Dans celle-ci, il fustige également des oppositions internes à son travail de recherche, sur ce qu'il estime pourtant être «une menace tactique sur nos pilotes, notre marine et nos soldats, et qui pourrait être une menace existentielle à notre sécurité nationale.» 

D'après le Washington Post, c'est Elizondo qui est à l'origine de la révélation de l'existence de cette cellule et de la divulgation de documents, notamment de la vidéo ci-dessus. L'ancien agent du Pentagone, avec deux ex-collègues ayant travaillé sur ce programme, a choisi au lendemain de sa démission de rejoindre la start-up To The Stars, qui cherche à réunir des fonds pour la recherche sur les ovnis. Derrière cette entreprise fondée en 2015, on retrouve Tom DeLonge, ancien chanteur et guitariste du groupe pop-punk Blink-182, et lauréat du titre de chercheur OVNI de l'année 2017.

La cellule existerait toujours

Cette mystérieuse division du Pentagone existe-t-elle toujours ? Oui, selon Luis Elizondo, qui a indiqué avoir été remplacé à la tête de ce «programme d'identification de menace aérospatiale avancée». Mais comment est-il financé ? Le mystère reste entier comme l'indique le New York Times. Il prouve en tout cas l'existence d'un programme officiel du gouvernement américain concernant ces phénomènes aérospatiaux inexpliqués. Il ne s'agit pas pour autant d'essayer de prouver l'existence d'une présence extraterrestre : l'astrophysicienne du MIT Sara Seager rappelle ainsi au New York Times que «lorsque les gens observent des phénomènes vraiment inhabituels, il est parfois utile de mener sérieusement l'enquête. […] Mais, ce que les gens ne comprennent pas avec la science, c'est que nous avons souvent des phénomènes qui restent inexpliqués». Entre 1947 et 1969, l'US Air Force a ainsi étudié plus de 12 000 observations de phénomènes aérospatiaux : si 701 d'entre eux restent inexpliqués, pour les les autres, il s'agissait généralement d'étoiles, de nuages, d'avions espions ou d'aéronefs traditionnels.

Retraité du Congrès depuis le début de l'année, le démocrate Harry Reid a dans tous les cas confié au New York Times sa fierté d'avoir été à l'origine de ce programme. «Je ne suis pas embarrassé ou honteux d'avoir lancé cela. Je pense même que c'est l'une des bonnes choses que j'ai faites durant mon service au Congrès. J'ai fait quelque chose qui n'avait jamais été fait avant.» Reid avait été aidé dans cette entreprise par deux autres sénateurs décédés depuis, le républicain Ted Stevens et le démocrate Daniel K. Inouye. Sur Twitter, il a relayé l'article du New York Times, ajoutant : «Nous n'avons pas les réponses, mais nous avons beaucoup d'éléments pour justifier de se poser des questions. C'est une problématique scientifique et de sécurité nationale. Si l'Amérique ne se charge pas de répondre à ces interrogations, d'autres le feront.» Puis, en référence à la série X-Files : «La vérité est ailleurs. Sérieusement.»